Le phénomène du « ghosting » a émergé il y a environ une décennie, en tant que nouvelle étape dans les actions indécentes. Considérée comme encore plus dégradante que la rupture par SMS, cette tendance semble s’être fermement ancrée dans les pratiques amoureuses. Une recherche réalisée par le Pew Research Center en 2020 révèle qu’un adulte sur trois a vécu le fait d’être abandonné sans aucune explication aux États-Unis, sans variation significative entre les sexes. L’absence subite du partenaire est devenue une alternative plausible dans la gamme des douleurs que l’on peut rencontrer lorsqu’on s’engage dans une relation.
Entré dans le Cambridge Dictionary en 2015, le ghosting est définit comme « la méthode de rompre une relation avec une personne en cessant abruptement toute communication avec elle ». Cette interprétation est assez large pour s’adapter à la fois à un étranger avec qui on parle sur une application de rencontre et à un partenaire amoureux qui « va acheter des cigarettes » et n’y retourne jamais. Le ghosting, en essence, commence lorsque l’un pense que l’autre lui « doit » une explication qui n’arrive pas.
Quel genre d’explication est-on censé donner à une personne avec qui on a une relation ? Et à quel niveau de sincérité ? Qu’est-ce qu’on doit, par exemple, à une personne avec qui on ne veut pas initier une relation ?
D’après la philosophe Claire Marin, le « ghosting » n’est rien de plus qu’une « ancienne lâcheté repackagée ». Cette tendance semble encourageée par notre mode de communication actuel, principalement basé sur la technologie. Nous avons presque été invités à adopter cette pratique : il est possible de « supprimer » un contact, de le « bloquer », ou de le mettre en silence sur Instagram, ce qui rend possible d’ignorer les publications d’un individu sans qu’il ne s’en rende compte. Il existe désormais une large variété d’outils à la disposition de ceux qui souhaitent disparaître ou faire disparaître quelqu’un. Les réseaux sociaux ont également multiplié les opportunités de se sentir ignoré et ont augmenté la vitesse à laquelle on se sent ghosté. En ce qui concerne le comportement du ghosteur, Clotilde Leguil, une psychanalyste et philosophe enseignant à l’Université Paris-VIII, suppose qu’il pourrait être nécessaire de « réintégrer une certaine distance là où elle n’existe plus, de réintroduire une certaine interruption dans ce monde de connection constante ».
La résurgence de la figure du mal » /
Peu importe ses motivations, une personne qui disparaît brusquement exprime clairement une chose: elle ne désire pas continuer. En réalité, le fait de ghoster crée deux spectres: celui qui s’est volatilisé et celui qui dérive dans les méandres de l’incompréhension. Il est compliqué de justifier un tel acte d’abandon. Personne ne voudrait être ghosté; le bon sens dicte que nous devrions toujours fournir une explication, même si elle est succincte. Dans le New York Times, une soi-disant « experte en savoir-vivre » suggère que les potentiels ghosteurs pourraient envoyer un message du genre: « Je crois que nous ne sommes pas compatibles, je te souhaite bonne chance et j’espère que tu trouveras ce que tu cherches. » Cependant, est-ce qu’une telle formalité est vraiment mieux que le silence ? Il y a de nombreuses façons de mal exprimer le désintérêt. Personne n’apprécie être rejeté, que ce soit par message texte ou en face à face.
Il vous reste encore 52.1% de cet article à découvrir. Le reste est exclusivement accessible aux abonnés.
Laisser un commentaire