Le reporter d’investigation Raviv Drucker suit attentivement ce qui se passe au sein de la salle d’audience de la Cour suprême d’Israël le 25 juillet. Il est au premier plan, observant anxieusement les débats qui pourraient changer le visage de la deuxième chaîne de télévision la plus populaire du pays. Le tribunal, qui a été saisi par le syndicat des journalistes et le comité des travailleurs de la chaîne 13, est sur le point de déclarer la légalité de la nomination de Yulia Shamalov-Berkovich à la tête du département de l’information en juin. Il est important de noter que Shamalov-Berkovich, une ancienne députée de la Knesset (2009-2013) pour le parti Kadima, une faction alliée du Likoud, a toujours soutenu ouvertement le premier ministre, Benjamin Netanyahu.
Les journalistes pensent que l’ascension de Mme Shamalov-Berkovich, qui est soutenue par l’entrepreneur anglo-américain Len Blavatnik, le propriétaire de la chaîne 13 – acquise avec l’approbation du premier ministre – pourrait mettre en danger leur indépendance éditoriale. « Rien n’a changé à l’écran », rétorquent les défenseurs de la nouvelle directrice. Pendant ce temps, dans la foule, Matan Hodorov, un chroniqueur spécialisé dans l’économie et le président du syndicat des reporters de la chaîne, proteste en mentionnant tout d’abord la démission d’Almog Boker et Sefi Ovadia, deux figures journalistiques emblématiques. « De plus, ils ont supprimé « Ezor Milhama » (« zone de guerre »), l’émission de Raviv Drucker ! » Ajoute-t-il avec indignation.
Fournir « plus de diversité ».
La décision de la chaîne 13 de supprimer son émission hebdomadaire d’investigation le 11 juillet, bien que très populaire et très suivie en Israël, a laissé son public perplexe. Raviv Drucker, le rédacteur en chef de 53 ans, connu pour ses enquêtes minutieuses sur les abus de pouvoir et la corruption du clan Nétanyahou, s’est vu dire par Emiliano Calemczuk, le directeur de la chaîne, qu’il ne comprenait pas l’attrait de la population pour les émissions d’information.
La chaîne a expliqué que cette décision vise à diversifier sa programmation. Pourtant, de nombreux journalistes suspectent que cette décision puisse être liée à un reportage diffusé un mois plus tôt, accusant Miri Regev, la ministre des transports, de corruption. Drucker et son équipe ont dévoilé que la ministre a favorisé certains projets locaux en échange d’un appui lors des prochaines élections primaires du Likoud, le parti du Premier ministre.
Selon Drucker, de nombreux politiciens ont tenté d’influencer la direction de la chaîne pour bloquer leur enquête. Même la ministre a tenté, en vain, de faire interdire la diffusion de l’enquête en engageant une procédure judiciaire.