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26 juillet 2024 0 h 12 min

« Direct: Point sur Guerre Ukraine »

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Nos articles, analyses et reportages sur le conflit en Ukraine sont à lire sans plus attendre. Nos services d’information du « Monde » offrent des reportages, des analyses et des éclaircissements sur la situation sur place. Des drones ukrainiens maritimes forcent la marine russe à quitter la Crimée. Dans le sillage allant de la France à la Turquie, un groupe russe use de stratégie pour alimenter les troupes avec des équipements européens.

L’Ukraine s’engage dans une « tournée musicale » de l’armée pendant l’été. Dans le Donbass, un écart croissant s’installe entre les soldats ukrainiens et les civils accusés d' »attendre les Russes ». Volodymyr Zelensky envisage d’inclure la Russie dans un prochain sommet pour la paix. Les lauréats du Prix Nobel appellent à : « Nous exigeons l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu en Ukraine et à Gaza durant les Jeux olympiques de Paris. »

Nous répondons à vos questions les plus répétitives. Comment Moscou et Kiev se servent-ils des drones ? Depuis quelques mois, le conflit des drones entre Russie et Ukraine a atteint des dimensions sans précédent. D’après une étude parue en mai 2023 d’un think tank britannique spécialisé dans les enjeux de défense, les Ukraniens perdraient environ 10 000 drones par mois sur le front, soit plus de 300 chaque jour. Pour faire une comparaison, l’armée française a un peu plus de 3 000 drones dans ses stocks.

Les Ukrainiens et les Russes utilisent principalement des UAV (Véhicule Aérien Non Habité) de petite taille, relativement bon marché, issus du secteur civil et en grande quantité. Leur fonction principale est l’observation du champ de bataille et le guidage des troupes ou des tirs d’artillerie. Certains ont été adaptés pour emporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Les drones kamikazes, bien qu’en nombre réduit, jouent une part cruciale sur le champ de bataille. Ces engins volants automatisés, équipés d’explosifs, sont déployés sur la ligne de front sans cibles préétablies. La Russie utilise des drones Lancet-3 de fabrication russe et des Shahed-136 fabriqués en Iran. L’Ukraine, qui ne dispose pas d’une marine de guerre significative, répond ironiquement en utilisant des navires sans pilote et des petits kayaks télécommandés remplis d’explosifs (environ 450 kg de TNT).

Comme indication de l’importance des drones dans leurs stratégies, les forces ukrainiennes et russes ont pris des mesures pour soutenir leur personnel à long terme. Ils ont non seulement acquis des drones civils en grande quantité, mais créé aussi des capacités de production indigènes. L’industrie ukrainienne, qui a démarré timidement au début de la guerre du Donbass il y a dix ans, a gagné en force. En août dernier, le ministre ukrainien en charge de la transformation numérique a annoncé qu’une recréation du drone russe Lancet avait été réussie et serait prochainement mise sur le marché sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre.

La Russie est limitée par les sanctions occidentales qui restreignent son accès à certains composants électroniques, mais d’après les renseignements américains, Moscou aurait entamé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour y fabriquer des drones kamikazes de conception iranienne, notamment le Shahed-136.

Concernant les stocks de missiles de l’armée russe, il est extrêmement difficile sinon impossible de se faire une idée précise. Les renseignements ukrainiens partagent régulièrement des informations à ce sujet, mais leurs déclarations sont sujettes à des doutes.

Andri Ioussov, représentant de la direction du renseignement du ministère de la défense (GUR), a révélé à Liga.net que l’armée russe possédait initialement 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le déclenchement de la guerre. Au début de l’année, leur nombre s’élevait encore à plus de 900. En outre, il a indiqué l’existence de dizaines de milliers de missiles antiaériens S-300 avec une portée approximative de 120 km, et une grande quantité de S-400, une version plus moderne avec trois fois plus de portée. Vadym Skibitsky, second en commandement du GUR, aurait mentionné en août que 585 missiles avaient une portée dépassant 500 km.

Sur le plan de la production, l’on estime à une centaine le nombre de missiles balistiques ou de croisière produit chaque mois, selon plusieurs spécialistes. En octobre, le GUR a évalué cette production à 115 unités.

De plus, la Russie aurait acquis des missiles de courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait d’en acheter. Reuters, en se basant sur plusieurs sources iraniennes, affirme que depuis janvier, date de conclusion d’un accord, 400 missiles iraniens de la famille Fateh-110 (300 à 700 km de portée) auraient été livrés à la Russie. Le nombre de missiles nord-coréens acquis par la Russie est inconnu, néanmoins, 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Selon les spécialistes qui ont étudié les débris et les trajectoires, ces missiles pourraient probablement être des KN-23 et des KN-24, dont la portée est d’environ 400 km.

Quant aux avions de combat F-16, aucune information n’a été fournie.

À la suite d’une demande de longue date du président ukrainien, en août 2023, les États-Unis ont donné leur feu vert pour le transfert de chasseurs F-16 à l’Ukraine. Alors qu’il existe une flotte potentielle de plus de 300 F-16 dans neuf pays européens – dont la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal pour n’en nommer que quelques-uns – tous les pays qui les possèdent ne peuvent pas les céder immédiatement.

Volodymyr Zelensky a mentionné que 42 F-16 avaient été promis à Kiev par les alliés occidentaux, mais ce chiffre n’a pas été vérifié. Le Danemark s’est engagé à en fournir 19. Les 6 premiers ne seront pas livrés avant la fin de 2023, puis 8 autres en 2024 et 5 définitifs en 2025, comme l’a indiqué la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, ayant également promis d’en donner, ont 42 unités en leur possession, mais ils n’ont pas déclaré combien ils envisageaient d’en transférer.

En revanche, les pilotes ukrainiens doivent recevoir une formation pour utiliser ces avions de combat américains. Onze pays alliés de Kiev se sont engagés à former les pilotes. Selon l’OTAN, les soldats ukrainiens ne seront prêts à mettre en œuvre les avions en situation de combat qu’au début de 2024, tandis que d’autres experts prévoient l’été de la même année.

Quel est le soutien militaire que ses alliés fournissent à Kiev?

Selon le dernier rapport de l’Institut Kiel publié en février 2024, l’assistance occidentale à Kiev semble s’essouffler deux ans après le commencement du conflit largement étendu. Le rapport indique une diminution des aides engagées récemment entre août 2023 et janvier 2024, en comparaison à la même période de l’année antérieure. Ce déclin pourrait perdurer, compte tenu de la difficulté du Sénat américain à approuver des fonds d’assistance. De plus, l’Union Européenne (UE) a rencontré des obstacles considérables pour adopter une aide de 50 milliards le 1 février 2024, principalement en raison de l’opposition de la Hongrie. Il faut souligner que ces deux allocations d’aide ne figurent pas encore dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui s’arrête en Janvier 2024.

Les statistiques de l’institut allemand présentent un nombre de donateurs en décroissance, se focalisant principalement autour d’un groupe de pays dont font partie les États-Unis, l’Allemagne et les pays du nord et de l’est de l’Europe. Depuis février 2022, ces pays se sont engagés à fournir à Kiev un soutien s’élevant à 276 milliards d’Euros, incluant des ressources militaires, financières et humanitaires.

Sur le plan strictement monétaire, les nations les plus prospères se sont avérées les plus généreuses. Les États-Unis sont en tête, avec plus de 75 milliards d’Euros d’aide annoncée, dont 46,3 milliards alloués à l’effort militaire. Quant à l’Union Européenne, elle a promis des aides bilatérales (64,86 milliards d’Euros) ainsi que des aides collectives provenant des fonds de l’UE (93,25 milliards d’Euros), pour un montant total de 158,1 milliards d’Euros.

Lorsqu’on examine les contributions en tenant compte du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, les résultats diffèrent. Les États-Unis tombent à la vingtième place (0,32 % de leur PIB), derrière plusieurs pays limitrophes de l’Ukraine ou d’anciennes provinces Soviétiques alliées. L’Estonie est en tête en termes d’aide proportionnelle à son PIB (3,55 %), devançant le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) ferment le top 5. Les trois nations Baltes, ayant toutes des frontières avec la Russie ou son partenaire la Biélorussie, sont les donateurs les plus munificents depuis le déclenchement du conflit.
Au regard du ratio PIB, la France se situe en vingt-septième position avec une contribution équivalente à 0,07 % de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’assistance apportée par la France a continuellement diminué depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France occupait le vingt-quatrième rang en avril 2023, et le treizième en été 2022.
Qu’est-ce qui est connu sur les tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne?

Depuis quelque temps, l’Ukraine et la Pologne ont des relations tendues, principalement à cause du transit de céréales ukrainiennes. Au premier semestre 2022, des « voies de solidarité » ont été créées par la Commission européenne pour permettre l’exportation et la commercialisation de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient, sans frais de douane. Toutefois, après le début des hostilités, presque la moitié des céréales ukrainiennes ont transité ou ont fini leur voyage dans l’Union européenne (UE), selon Fondation Farm, une organisation qui réfléchit aux questions agricoles à l’échelle mondiale. Ces céréales ukrainiennes étaient beaucoup moins chères que le blé cultivé dans l’UE, surtout dans les pays d’Europe centrale.

La Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont donc bloqué unilatéralement leurs importations en avril 2023, affirmant que ces céréales déstabilisent leur marché intérieur et affectent les revenus de leurs agriculteurs. Bruxelles n’a accepté cet embargo qu’à deux conditions – il ne doit pas entraver le transit vers d’autres pays et il doit prendre fin après seulement quatre mois. Cependant, Varsovie a refusé de réouvrir sa frontière aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été, arguant que la problématique de base n’a pas été résolue, malgré les affirmations de Bruxelles selon lesquelles l’embargo n’était plus nécessaire parce que leurs analyses indiquaient « qu’il n’y avait plus de distorsion des marchés nationaux pour les céréales ».

Des agriculteurs de Pologne ont établi un blocus à la frontière polono-ukrainienne pour empêcher l’entrée de camions ukrainiens dans leur pays. Ils revendiquent un embargo total sur les produits agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine, protestant contre l’augmentation soudaine des coûts de production alors que leurs installations sont surchargées et les prix ont atteint un creux historique. Le président de l’Ukraine a interprété ce blocage frontalier comme une preuve de la « détérioration de la solidarité » envers son pays au début de l’année 2024, demandant des discussions avec la Pologne. Pour lui, seul Moscou profite de cette situation de tension. Il a également critiqué l’occurrence de slogans franchement pro-Poutine.