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25 juillet 2024 16 h 12 min

Soudan contourne l’embargo armes ONU

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Des armes provenant de la Chine, de la Russie, de la Serbie, de la Turquie, des Émirats arabes unis et du Yémen sont envoyées au Soudan depuis des années, contribuant à un conflit civil qui a déjà fait des dizaines de milliers de victimes depuis avril 2023 et engendré une des crises humanitaires les plus graves du monde. Le 25 juillet, Amnesty International a publié un rapport détaillant les itinéraires de ces livraisons, en particulier vers le Darfour, malgré l’embargo imposé par les Nations Unies à cette région de l’ouest soudanais depuis 2004.

Selon Abdullahi Hassan, chercheur à Amnesty International, les armes et les munitions ont été acheminées vers le Soudan depuis de nombreuses années, y compris avant le conflit. Il est évident que certaines ont été utilisées au Darfour, en violation de l’embargo des Nations Unies, une pratique qui continue. Il appelle à une pleine application de l’embargo sur tout le territoire soudanais, étant donné l’escalade de la violence dans le pays, un appel qui devient de plus en plus pressant, précise l’ONG.

Depuis avril 2023, une guerre fait rage entre l’armée soudanaise, dirigée par le président général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane, et les forces de soutien rapide (FSR) du vice-président, le général Mohammed Hamdan Daglo, surnommé « Hemetti ». Le conflit stagne pendant que la situation au Soudan a entraîné environ 11 millions de déplacements internes. Le rapport documente deux itinéraires d’acheminement.

D’après les données de l’ONG Acled, au moins 16 650 individus ont perdu la vie à cause du conflit, tandis que Tom Perriello, le représentant américain dans la nation concernée, parle de 150 000 morts. Un document publié le 22 juillet par Médecins sans frontières (MSF) met en lumière les effets catastrophiques de cette guerre sur la population civile et fait état de l’ampleur des violences sexuelles.

Amnesty International dévoile deux moyens principaux d’approvisionnement en armes. Le premier concerne le détournement d’armes qui sont officiellement destinées à des fins « civiles », comme la chasse ou les loisirs sportifs. Il est précisé dans ce rapport que beaucoup d’armes produites, en particulier par des entreprises turques et russes, font fi des normes de contrôle à l’exportation et ont été exportées en grand nombre vers le Soudan ces dernières années.

Deuxièmement, il est question de la vente d’armes dites « à blanc », qui en réalité sont facilement transformables en armes de guerre. Abdullahi Hassan déclare, « Nos experts affirment que les armes à blanc expédiées au Soudan sont des modèles qui peuvent être facilement modifiés pour devenir des armes meurtrières. Cette tendance massive à l’importation appelle la vigilance ».

Les voies d’accès aux armes, véhicules et munitions traversent les frontières lybienne, tchadienne et centrafricaine, ainsi que la ville de Kassala dans l’est du Soudan, proche des frontières érythréenne et éthiopienne. Les champs de guerre sont souvent éloignés des bases opérationnelles, telles que celles des Forces Armées Soudanaises (FAS) à Port-Soudan et Khartoum, ainsi que la principale base des Forces de Soutien Rapide (FSR) au Darfour, comme l’indique Hager Ali, chercheuse à l’Institut d’Études Globales et Régionales (GIGA) à Hambourg. Selon elle, le plus les distances d’approvisionnement sont grandes, le plus on est vulnérables face à l’ennemi. C’est pour cette raison que c’est stratégique pour eux de se connecter à divers réseaux pour obtenir des armes via des pays voisins.

Un certain aéroport situé à l’est du Tchad a été identifié dans cette affaire. En effet, les conclusions de l’investigation menée par Amnesty International rejoignent celles d’un rapport datant de janvier 2024 du groupe d’experts de l’ONU sur le Soudan, ainsi que d’autres enquêtes portant sur l’appui des Émirats Arabes Unis aux FSR. Une analyse du trafic aérien a permis de déterminer que l’aéroport d’Amdjarass, situé dans l’est du Tchad, servait comme lieu de transit pour les armes, munitions et matériel médical en provenance des Émirats à destination du Soudan, notamment du Darfour, région frontalière du Tchad.

Lors d’une réunion du Conseil de Sécurité des Nations Unies le 19 juin, le gouvernement soudanais a accusé les Émirats Arabes Unis de fournir des armes aux FSR, une allégation que les autorités émiraties ont réfuté.

Malgré l’échec des tentatives de négociations qui ont eu lieu à Djedda en Arabie Saoudite, une nouvelle série de discussions parrainées par Riyad est prévue pour le 14 août en Suisse, comme l’ont annoncé les États-Unis le mardi 23 juillet. L’objectif est de parvenir à un cessez-le-feu. Mohammed Hamdan Daglo, le général, a affirmé via le réseau social X que les FSR participeront à ces pourparlers. Cependant, aucune réponse à l’invitation n’est encore parvenue de la part du général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane.