Il y a eu des spéculations depuis plusieurs mois sur la présence de paramilitaires russes autour d’Ibrahim Traoré, le dirigeant de la junte burkinabée. Cependant, un preuve en image n’a été fournie que récemment, lors d’une cérémonie ordinaire qui s’est déroulée le 25 juillet, à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso. Cette cérémonie était dédiée à l’octroi d’une quinzaine de cliniques mobiles au ministère de la santé. La vidéo qui circule sur les réseaux sociaux montre le président, surnommé « IB », sortant de son véhicule et se dirigeant vers le comité de bienvenue sur un tapis rouge.
Il est entouré d’un dispositif sécuritaire composé de militaires burkinabés accompagné de deux hommes vêtus d’uniformes militaires, dont le visage est caché par des masques et des lunettes. L’un d’eux porte un drapeau russe sur son épaule gauche, tandis que sur l’épaule droite du second, on peut apercevoir l’insigne de la Brigade Bear, identifiable par une empreinte d’ours. De plus, on peut remarquer un petit drapeau noir, symbolisant les pirates, celui-ci est également utilisé par les mercenaires du groupe russe Wagner au Mali. Ces deux hommes sont visibles dans la vidéo amateur diffusée sur les réseaux sociaux, mais absents dans le reportage officiel distribué par le Service d’information du gouvernement du Burkina Faso, qui a choisi de se concentrer sur le chef de la transition.
Ibrahim Traoré, après avoir mis fin aux accords de défense entre son pays et Paris et avoir obligé l’opération « Sabre », une force spéciale française, à partir du Burkina Faso en février 2023, a hâté l’alignement de son pays avec Moscou. Sa préoccupation centrale est la sécurisation de son pouvoir, qui est remis en question par une partie de l’armée, ainsi que la lutte contre les factions djihadistes qui règnent sur de vastes portions du territoire burkinabé. Au cours de l’automne 2023, plusieurs contingents russes ont été dépêchés à Ouagadougou, avec leur effectif estimé entre 200 et 300 hommes par diverses sources sécuritaires.
La Russie a augmenté sa présence, bien qu’elle soit restée largement inaperçue jusqu’à présent, avec plusieurs membres du GRU (service de renseignement militaire russe) placés au sein de l’Agence nationale du renseignement pour aider la junte à surveiller les dissidents. Plusieurs autres ressortissants russes opèrent secrètement au sein de la présidence. Depuis le décès d’Evgueni Prigojine, l’ancien chef de Wagner, en août 2023, des dizaines de membres de l’Africa Corps, le nouveau dispositif militaire russe pour l’Afrique, ont également été envoyés au Burkina Faso. Une installation a été établie à Loumbila, à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la capitale en début d’année pour accueillir ces nouveaux collaborateurs russes, ayant pour mission de former de nouvelles recrues fidèles au président Ibrahim Traoré parmi les forces spéciales.
Récemment, en mai plus précisément, une trentaine de paramilitaires appartenant à la Brigade Bear, affiliée semi-indépendamment au GRU, ont débarqué à Ouagadougou. Interrogé par Le Monde, leur leader, Viktor Yermolaev, nie toute association avec le ministère russe de la défense et décrit son organisation comme une entreprise de sécurité privée. Yermolaev, ancien motard barbu connu sous le nom de guerre « Jedi », reste évasif sur les fonctions assignées à ses hommes au Burkina Faso, reconnaissant uniquement leur rôle dans la protection de l’ambassadeur russe, Igor Martynov, ainsi que le transport d’un hôpital mobile accompagné de médecins spécialisés.
Dans une vidéo filmée récemment à Ouagadougou, on peut voir que certains membres de la Brigade Bear collaborent également à la sécurité d’Ibrahim Traoré, avec qui Yermolaev revendique une certaine proximité. Avant la diffusion de cette séquence, l’existence des instructeurs russes, selon la terminologie officielle, au sein de l’appareil sécuritaire du Burkina Faso était inconnue. Et pour cause : dans le pays de Thomas Sankara, figure emblématique du panafricanisme, nombre d’officiers tiennent à leur souveraineté et refusent la présence de forces militaires étrangères sur leur sol, qu’elles soient occidentales ou russes.