Consultez tous nos articles, comptes rendus, et analyses qui couvrent le conflit en Ukraine. Le « Monde » produit des déchiffrements, des comptes rendus, et des analyses. Les attaques de drones marins ukrainiens ont forcé la flotte russe à se retirer de la Crimée. Un groupe russe a utilisé des astuces pour approvisionner l’armée avec des équipements européens, de la France à la Turquie. Pendant l’été, une « armée musicale » a fait une tournée en Ukraine. Un fossé invisible se forme dans le Donbass, entre les militaires ukrainiens et les civils accusés de « attendre les Russes ». Volodymyr Zelensky désire que la Russie assiste à un nouveau sommet pour la paix. La demande du Prix Nobel est la suivante : « Nous sollicitons l’instauration immédiate d’un cessez-le-feu en Ukraine et à Gaza pendant les Jeux Olympiques de Paris ».
Réponses à vos interrogations les plus courantes. Quelle est la manière dont Moscou et Kiev emploient les drones ? La guerre des drones entre la Russie et l’Ukraine est devenue intense depuis plusieurs mois. En mai 2023, un think tank britannique spécialisé dans les questions de défense a publié un rapport indiquant que les Ukrainiens perdaient environ 10 000 drones par mois sur le terrain de combat, atteignant plus de 300 par jour. Pour faire une comparaison, les forces françaises ont un peu plus de 3 000 drones dans leur stock.
Les Russes et les Ukrainiens utilisent principalement de petits UAV (Unmanned Aerial Vehicle) d’origine civile qui sont bon marché et disponibles en grand nombre. Ces drones servent à observer le terrain de combat et à guider les troupes ou les tirs d’artillerie. Certains sont également adaptés pour transporter de petites charges explosives, qui sont par la suite larguées sur les tranchées ou blindés.
Bien que moins répandus, les drones-kamikazes jouent un rôle essentiel. Munis d’armements explosifs, ces UAV sont propulsés par-delà la ligne de front sans mission prédéfinie. La Russie emploie des Lancet-3 fabriqués localement ainsi que des Shahed-136 d’origine iranienne. Faute d’une flotte de guerre robuste, l’Ukraine riposte à l’adversaire par le biais de véhicules maritimes sans équipage, de petits kayaks télécommandés et bourrés d’explosifs (450 kilos de TNT).
Devant l’importance cruciale des drones pour leurs opérations, les forces ukrainiennes et russes se sont arrangées pour assurer un approvisionnement constant à leurs troupes, non seulement en achetant des drones civils en grande quantité sur le marché, mais aussi en développant leurs propres capacités de production. Bien que balbutiante à la naissance de la guerre du Donbass dix ans plus tôt, l’industrie ukrainienne a depuis acquis une envergure non négligeable. Fin août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a révélé qu’une réplique du drone russe Lancet a été développée et sera prochainement lancée sous l’appellation de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
La Russie est cependant handicapée par les sanctions occidentales qui restreignent son accès aux pièces électroniques. Néanmoins, selon les services de renseignements américains, Moscou aurait entamé la construction d’une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour y produire des drones-kamikazes basés sur les designs iraniens tels que le Shahed-136.
Qu’en est-il de l’arsenal de missiles russe ?
La détermination de l’état actuel du stock de missiles des forces armées russes est extrêmement complexe, voire irréalisable. Les services de renseignements ukrainiens donnent régulièrement des informations à ce sujet, mais leurs évaluations demeurent douteuses.
Andri Ioussov, porte-parole du service de renseignement du ministère de la défense (GUR), a été cité par Liga.net disant que l’armée russe avait 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant le début de la guerre et en avait toujours plus de 900 au début de l’année. En plus de cela, selon Ioussov, l’armée possédait environ dix mille missiles antiaériens S-300 avec une portée d’environ 120 kilomètres et un grand stock de S-400, une version plus récente avec une portée triplée. En août, Vadym Skibitsky, le deuxième responsable du GUR, a suggéré que l’armée avait 585 missiles ayant une portée de plus de 500 kilomètres.
Concernant la production de missiles, celle-ci pourrait atteindre une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, selon divers experts. En octobre, le GUR estimait cette production à 115 unités.
En outre, la Russie aurait acheté des missiles à courte portée de l’Iran et de la Corée du Nord, une tendance qui semble se poursuivre. D’après Reuters, citant diverses sources iraniennes, 400 missiles iraniens de type Fateh-110 (avec une portée de 300 à 700 kilomètres) auraient été livrés depuis janvier, date à laquelle un accord aurait été signé. On ne sait pas combien de missiles nord-coréens la Russie a acquis, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Les experts qui ont analysé les résidus et les trajectoires pensent qu’il s’agit probablement des missiles KN-23 et KN-24 qui ont une portée d’environ 400 kilomètres.
Quant aux avions de combat F-16 ?
En réponse à une requête de longue date du président ukrainien, les États-Unis ont donné leur approbation en août 2023 pour le transfert de jets F-16 à l’Ukraine. Plus de 300 jets F-16 sont répartis dans neuf pays européens, notamment la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. Cependant, tous les pays possédant ces avions ne peuvent pas les céder instantanément.
Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a mentionné le chiffre de 42 jets F-16 que les alliés occidentaux se seraient engagés à donner à Kiev, mais cette information n’a pas encore été authentifiée. Le Danemark a promis d’en fournir 19; avec les premiers six avions prévus pour être livrés fin 2023, suivis de huit autres en 2024 et cinq derniers en 2025, selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas ont aussi promis des avions, possédant 42 unités en tout, mais ils n’ont pas précisé le nombre à céder.
En outre, il est nécessaire de former les pilotes ukrainiens sur ces avions de combat américains. Onze pays alliés de Kiev se sont engagés à former ces pilotes. Selon l’OTAN, les soldats ukrainiens ne seront capables de piloter ces avions en combat qu’au début de 2024, alors que d’autres experts envisagent plutôt l’été de cette même année.
On se demande quel type de soutien militaire les alliés de Kiev fournissent-ils?
Selon un rapport récent de l’Institut Kiel, le soutien occidental à Kiev, deux ans après le commencement de la guerre massive, perd du dynamisme. On observe que les aides nouvellement lancées entre août 2023 et janvier 2024 ont diminué comparativement à la même durée un an auparavant. Il est à craindre que cette baisse persiste, car le Sénat américain rencontre des difficultés pour adopter de nouvelles aides, tout comme l’Union européenne (UE) qui a eu du mal à approuver une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison de l’opposition de la Hongrie. Il est important de noter que ces deux paquets d’aide n’ont pas encore été inclus dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui s’est terminé en janvier 2024.
Les statistiques de l’institut allemand montrent une réduction du nombre de donateurs, qui se recentrent autour d’un groupe de pays à savoir : les États-Unis, l’Allemagne et les pays du nord et de l’est de l’Europe. Ces pays promettent à la fois une importante aide financière et des armements modernes. Depuis février 2022, elles se sont engagées à supporter Kiev à hauteur de 276 milliards d’euros dans les domaines militaires, financiers et humanitaires.
En termes de valeur absolue, les pays les plus fortunés ont été les plus généreux. Les États-Unis sont en tête, ayant annoncé plus de 75 milliards d’euros d’aide dont 46,3 milliards en soutien militaire. Les nations de l’Union européenne ont annoncé à la fois des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides collectives provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un montant total de 158,1 milliards d’euros.
Une réévaluation des apports à l’Ukraine en pourcentage du PIB révèle un nouveau classement des pays donateurs. Les États-Unis descendent en effet à la vingtième position avec seulement 0,32 % de leur PIB, bien loin de certains pays limitrophes à l’Ukraine ou anciens États soviétiques. En tête de liste, c’est l’Estonie qui lance la plus grande part de son PIB dans l’aide, à hauteur de 3,55 %, suivie par le Danemark (2,41 %) et la Norvège (1,72 %). Les deux autres places du top 5 sont occupées par la Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %). Ces trois pays baltes, tous voisins de la Russie ou de son alliée la Biélorussie, sont parmi les plus généreux donateurs depuis le déclenchement des hostilités.
Au niveau des contributions en pourcentage du PIB, la France occupe le vingt-septième rang, ayant mobilisé 0,07 % de son PIB, légèrement derrière la Grèce (0,09 %). L’aide fournie par la France a régulièrement diminué depuis l’entrée des forces russes en Ukraine – en avril 2023, la France occupait la vingt-quatrième place, et était treizième en été 2022.
Avons-nous des informations sur les tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ?
Dans un environnement déjà compliqué, les liens entre l’Ukraine et la Pologne sont devenus encore plus tendus ces derniers mois, les enjeux liés au transport du grain ukrainien étant au centre du débat. Le début de l’année 2022 avait vu l’instauration par l’Union européenne de « corridors de solidarité », conçus pour aider à l’exportation et à la commercialisation sans tarifs douaniers des produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Toutefois, selon la Fondation Farm, une organisation de réflexion sur les problématiques agricoles globales, environ la moitié du grain ukrainien transite ou finit son trajet au sein de l’UE. Or, ce grain est vendu à un tarif bien inférieur au blé cultivé au sein de l’UE, particulièrement dans les nations d’Europe centrale.
En réaction à des allégations selon lesquelles le grain ukrainien déstabiliserait leurs marchés locaux, nuisant ainsi à la stabilité financière de leurs agriculteurs, plusieurs pays incluant la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont uni leurs forces pour mettre en place un embargo sur leurs importations en avril 2023. Bruxelles a donné son accord à cette mesure, sous réserve qu’elle n’entrave pas le transit vers d’autres pays et qu’elle nous soit mise en œuvre que pour une durée limitée de quatre mois. Insatisfaite, Varsovie a choisi de maintenir sa frontière fermée aux grains ukrainiens à l’issue de l’été, en dépit de l’avis de Bruxelles, qui estimait l’embargo dénué de fondement, ses études démontrant qu’il n’y avait « plus de dérégulation sur les marchés nationaux des céréales ».
Les agriculteurs en Pologne établissent des barrages à la frontière ukraino-polonaise pour bloquer l’entrée des camions venant d’Ukraine. Ces derniers réclament un embargo total sur tous les produits agroalimentaires venant d’Ukraine, face à l’augmentation substantielle de leurs coûts de production alors que leurs silos et dépôts sont pleins et que les prix touchent le fond. Au début de l’année 2024, le président ukrainien soulignait que le blocage de la frontière polonaise traduisait une diminution de la solidarité envers l’Ukraine et a demandé des discussions avec la Pologne. Il qualifia ces tensions de joie pour Moscou seulement, tout en critiquant la diffusion de slogans pro-Poutine manifestes.