Le débat sur le réchauffement climatique s’est intensifié dans le domaine public, mais les conversations à ce sujet restent compliquées. Comment peut-on discuter du climat sans enlever sa complexité et sans ennuyer l’auditoire? Devrait-on apaiser les individus ou plutôt les alarmer pour les mobiliser ? Comment devrions-nous réagir aux faux faits qui sont parfois mentionnés ?
Jean-Marc Jancovici, un ingénieur et président du think-tank The Shift Project, propose des solutions dans l’épisode du podcast « Chaleur Humaine », publié le 28 mai 2024 sur Lemonde.fr. Vous pouvez retrouver tous les épisodes du podcast ici et vous inscrire à la newsletter « Chaleur Humaine » ici.
Quels sont les changements de perception du climat que les gens ont eu ces vingt dernières années? Avez-vous l’impression qu’il y a eu des améliorations ?
Il est évident qu’aujourd’hui presque tout le monde dans ce pays a déjà entendu parler des « gaz à effet de serre » ou du réchauffement climatique en général. Il est clair qu’il y a eu un progrès en matière d’exposition publique. Ce sujet a même été abordé lors des discours présidentiels. Par exemple, lors du discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne en avril 2024, le terme « décarbonation » a été répété sept fois, ce qui était inconnu auparavant. Donc, dans le discours public, la mention de cela est devenue nettement plus fréquente.
N’est-ce pas certain que le niveau de compréhension de la situation et de ses implications s’est amélioré dans les esprits? Je ne peux pas affirmer cela. Je ne suis pas un baromètre. Le seul baromètre qui existe à grande échelle sont les enquêtes d’opinion. Cependant, dans ces dernières, la formulation de la question influence souvent la réponse, par exemple : « Etes-vous disposé à faire un tel effort? » n’est pas la même chose que : « Etes-vous disposé à faire un tel effort si tous le font? ». Il est complexe de connaître exactement l’état d’esprit général de la population. On peut simplement dire que nous avons progressé, sans en déterminer l’exactitude. En revanche, avons-nous avancé assez rapide vers la solution du problème ? Non.
Cependant, ce qui est évident, c’est que le nombre de climato-sceptiques qui nient le changement climatique a diminué. Est-ce que vous l’avez aussi constaté dans les opérations de vulgarisation que vous organisez?
En France, le climato-scepticisme a terriblement diminué parmi l’élite politique. Cependant, il persiste encore un nombre significatif de climato-sceptiques dans l’ensemble de la population. De toute façon, même si la température mondiale augmente de 4 °C, il y aura toujours des climato-sceptiques ! Parce que la base du climato-scepticisme n’est pas un défi au dossier scientifique. Pour moi, c’est principalement une expression de désarroi. C’est le vieux proverbe Shadok : « S’il n’y a pas de solution, alors il n’y a pas de problème ». C’est une manière de répondre à une inquiétude en disant : « Si c’est vrai, c’est effroyable, je vais devoir tout modifier, je ne sais pas où cela me mènera, je serai seul, etc. » Si on pense ainsi, il est préférable de nier l’existence du problème.
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