Créer de fausses mémoires chez les êtres humains n’est pas une tâche trop difficile, à condition de suivre le scenario approprié. Elizabeth Loftus, une psychologue américaine de l’Université de Californie à Irvine, est bien connue pour ses expériences utilisant de fausses publicités qui ont convaincu jusqu’à 16% des participants qu’ils avaient rencontré Bugs Bunny dans un parc Disney – une impossibilité étant donné que le personnage est une création de Warner Bros. L’implantation de fausses informations dans l’esprit d’autres vertébrés, tels que les oiseaux et les rongeurs, a depuis été effectuée par plusieurs autres équipes.
Et qu’en est-il des espèces appartenant à une partie plus éloignée du règne animal ? Une équipe à l’Université de Caen a élaboré une méthode ingénieuse pour tester la robustesse de la mémoire épisodique de la seiche, un céphalopode dont les ancêtres se sont détachés des nôtres il y a plus de 500 millions d’années. Cette mémoire est liée aux événements personnels. « La seiche possède une mémoire épisodique, ce qui lui permet de se souvenir de ce qui est arrivé, quand et où », déclare Christelle Jozet-Alves, professeure et chercheuse à l’Université de Caen, qui a dirigé cette recherche, publiée le 17 juillet dans iScience.
L’équipe de Christelle Jozet-Alves a précédemment démontré que la seiche ajuste son comportement de prédateur en fonction de la fréquence de renouvellement de ses proies, une capacité que le poulpe, par exemple, ne possède pas. Ils voulaient maintenant explorer davantage cette capacité en comparaison à la mémoire épisodique humaine. Contrairement à un film codé, un souvenir est reconstruit à chaque fois que nous nous en souvenons, explique Jozet-Alves.
Avec ses collègues doctorants Lisa Poncet et Pauline Billard, Christelle Jozet-Alves a cherché à introduire des éléments perturbateurs pour tester si la seiche utilisait également ce mécanisme de reconstruction de la mémoire. Ils ont commencé par habituer un groupe de seiches, généralement des animaux timides, à des tubes placés dans leur aquarium. Une fois que les seiches sont devenues curieuses, elles ont été confrontées à trois tubes décorés avec des motifs visuels distincts. Ces tubes contenaient soit une crevette (leur nourriture préférée), soit un crabe (moins apprécié), soit rien.
Dans une deuxième phase, les chercheurs ont soit renforcé le souvenir que les seiches avaient des tubes, soit l’ont brouillé en changeant la combinaison des tubes. Le véritable test des faux souvenirs est arrivé dans la troisième phase, obligeant la seiche à faire un choix entre le tube supposé être vide et celui qui pourrait contenir le crabe. « L’objectif était de leur faire penser qu’elles avaient vu une crevette dans le tube qui était censé être vide, » résume Jozet-Alves, reconnaissant la complexité de l’expérience.
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