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24 juillet 2024 3 h 09 min

« Décryptage des mécanismes de synesthésie sous-titrée »

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A l’age de 45 ans, Caroline Andrieu a pris pour la première fois conscience d’une spécificité de fonctionnement de son propre cerveau, une situation similaire à celle de nombreuses autres. En tant que journaliste écrite à Paris, elle pensait que tout le monde avait la capacité de voir des sous-titres visuels des mots parlés dans leur esprit, tout comme elle. Cependant, c’est en 2018, lorsqu’elle a édité un article sur ce phénomène fascinant, qu’elle a réalisé sa singularité.

La transposition automatique des mots parlés en mots écrits risque d’être le produit d’une caractéristique ancienne du cerveau. « Bien avant d’apprendre à lire, je me souviens que, lorsque j’écoutais quelqu’un parler, une sorte de gribouillage frénétique se dessinait dans mon esprit. Cela provoquait chez moi un profond sentiment d’insécurité, car je ne saisissais pas pleinement ce que j’entendais. Cependant, lors de l’acquisition de la lecture, tout est devenu clair instantanément », raconte-t-elle.

Caroline souffre d’une forme de synesthésie (un mot provenant du grec syn, qui signifie « union », et aesthesis qui signifie « sensation »), une condition neurologique tout à fait bénigne. Les synesthètes ont un cerveau qui assemble automatiquement différentes expériences sensorielles, comme associer une couleur à un son ou à un chiffre – pour certains, le A est toujours rouge, pour d’autres, le nombre 8 peut être teinté de bleu ou de rouge. Il est estimé que seuls quelques pour-cent des gens sont synesthètes, mais il est difficile de donner une précision pour les différentes formes de cette condition.

Caroline possède une forme particulière de synesthésie – elle visualise les sous-titres mentalement lorsqu’elle parle avec quelqu’un au téléphone. La police de caractère de ces sous-titres change en fonction de l’interlocuteur. Plus la voix de la personne est forte, plus grands sont les sous-titres qu’elle visualise. Les changements de tons se transforment en vagues, et l’écoute d’une langue inconnue comme le chinois s’affiche en multiples « n », constamment en italique.

Bien que l’anthropologue Francis Galton, un parent de Darwin, ait documenté cette condition en 1883, cette compétence unique de visualiser mentalement chaque mot prononcé est restée largement inexplorée. Cependant, en 2015, un jeune retraité a décidé de changer cela. François Le Chevalier, pensant que sa situation pourrait être intéressante pour la recherche, a contacté Laurent Cohen, un neuroscientifique à l’Institut du cerveau à Paris. Selon François, dès que quelqu’un lui parle, qu’il parle à quelqu’un ou qu’il imagine une conversation, cela s’écrit automatiquement dans son esprit, fautes d’orthographe incluses qu’il peut commettre de temps à autre. Pour lui, cette situation était si normale qu’il pensait que tout le monde faisait de même jusqu’à ses 60 ans.

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