En 2003, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures pour protéger la demeure personnelle des travailleurs indépendants contre la saisie par les créanciers de l’entreprise. La loi Dutreil, adoptée le 1er août 2003, pour l’initiative économique, a introduit un acte d’insaisissabilité devant le notaire. Puis, le 6 août 2015, la loi Macron sur la croissance, les activités et l’égalité des chances économiques a remplacé ce mécanisme par une insaisissabilité automatique, sans nécessité de documentation. Enfin, la loi du 14 février 2022 favorisant l’activité indépendante a exigé que tous les entrepreneurs individuels aient deux patrimoines distincts : un personnel et un professionnel, ce dernier étant seul responsable des dettes d’activité économique.
Ces lois protègent la résidence principale contre la liquidation par le gestionnaire de l’entreprise d’un des conjoints, qui représente les créanciers de l’entreprise. Seuls les créanciers personnels peuvent potentiellement saisir la maison. Dans une affaire récente : le 16 novembre 2015, le tribunal de commerce de Tarbes a prononcé la liquidation judiciaire de l’entreprise de M.X. Le Crédit agricole a par la suite assigné ce dernier devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire et a demandé la vente forcée de sa maison.
La banque cherche à récupérer deux créances professionnelles antérieures à la loi Macron ainsi qu’une créance non professionnelle, où l’insaisissabilité de l’actif n’est pas applicable. Suite à une confirmations de la cour d’appel de Pau le 11 janvier 2022, la banque doit être satisfaite : « Le créditeur qui n’est pas concerné par l’insaisissabilité car son droit est apparu avant l’application de la loi ou parce qu’il s’agit d’une dette non professionnelle (…) dispose d’un droit de saisie indépendamment de la procédure de redressement ».
Abus de pouvoir
Le 5 avril 2016 (14-24.640), la Cour de cassation a statué qu’un « créancier, possédant une garantie réelle», c’est-à-dire une assurance lui donnant un droit sur un bien, auquel la déclaration d’insaisissabilité ne s’applique pas, « n’a pas besoin de l’autorisation du juge-commissaire [du tribunal de commerce] pour procéder à la saisie » de ce bien. Le 25 octobre 2017 (16-16.574), elle a jugé qu’un juge-commissaire qui s’était approprié cette compétence avait commis un « abus de pouvoir ».
Notons que le créancier personnel doit démontrer que le bien qu’il cherche à exclure du droit de gage des créanciers professionnels était la résidence principale de son débiteur à l’ouverture de la procédure de redressement, comme illustré par l’affaire suivante: Le 13 juillet 2010, le Crédit Agricole accorde deux prêts immobiliers à Mme X, propriétaire d’un commerce. Elle ne remboursant pas ces prêts, la banque obtient, le 3 février 2016, qu’un tribunal ordonne la vente aux enchères (« licitation partage ») de sa maison, dont elle possède 99% des parts indivises.
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