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23 juillet 2024 0 h 09 min

« Oxygène noir » fabriqué dans l’océan Pacifique

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En sondant les profondeurs du Pacifique où la lumière ne parvient pas (au-delà de 1 000 mètres de profondeur), des chercheurs ont mis au jour une source d’oxygène insolite. Celle-ci émane non pas de formes de vie, mais de roches métalliques particulières, remettant en question les théories existantes concernant l’apparition de la vie sur notre planète.
Cet « oxygène noir » inexplicable a été identifié à plus de quatre kilomètres sous la surface, dans la plaine abyssale de la faille géologique Clarion-Clipperton, comme l’indique une recherche publiée le 22 juillet. La zone est particulièrement intéressante pour l’exploitation minière sous-marine en raison de la présence de nodules polymétalliques. Ces formations minérales contiennent une variété de métaux (notamment du manganèse, du nickel, et du cobalt) requis pour la production de batteries de voitures électriques, de panneaux solaires et de téléphones portables.
C’est précisément dans cette région qu’un navire de l’Association écossaise pour les sciences marines (SAMS) a réalisé des échantillonnages, financés par The Metals Compagny et UK Seabed Resources, entreprises intéressées par l’extraction de ces nodules de grande valeur. Le but de l’étude était de comprendre l’effet d’une telle exploitation sur un écosystème sans lumière (impossible pour la photosynthèse et donc pour la vie végétale), mais qui abrite néanmoins une diversité d’espèces animales uniques.

L’objectif d’Andrew Sweetman et de son équipe était de déterminer la consommation d’oxygène du fond marin en examinant ses sédiments, qu’ils ont placés sous des dômes connus sous le nom de chambres benthiques. Ils s’attendaient à constater une diminution de la concentration d’oxygène dans l’eau de mer piégée, du fait qu’elle était consommée par les organismes vivants dans ces profondeurs. Cependant, une augmentation du taux d’oxygène au-dessus du sédiment était en réalité constatée, en l’absence totale de lumière et donc de photosynthèse.

Surpris par ces résultats, les chercheurs ont commencé à croire en une possible erreur des capteurs sous-marins. Pour vérifier leurs doutes, ils ont mené des expériences sur leur navire pour voir si le même phénomène se produisait en surface, en incubant les mêmes sédiments et les nodules qu’ils contenaient. Encore une fois, ils ont noté une augmentation du niveau d’oxygène.

Sur la surface des nodules, une tension électrique presque équivalente à celle d’une pile AA a été détecté, ce qui, selon Sweetman, assimile ces nodules à des « batteries dans la roche ». Ces propriétés inattendues pourraient conduire à un processus d’électrolyse de l’eau, qui divise ses molécules en hydrogène et en oxygène à l’aide d’un courant électrique. Cette réaction chimique se produit à partir de 1,5 volt, une tension qu’un groupement de nodules pourrait potentiellement atteindre.

« L’identification d’une nouvelle source d’oxygène change notre compréhension de l’origine de la vie sur Terre, » explique Nicholas Owens, le directeur de SAMS. Jusqu’à présent, on pensait que l’oxygène de notre planète avait été initialement produit par les cyanobactéries il y a environ 3 milliards d’années, ce qui a conduit à l’évolution d’organismes plus complexes.

Cependant, Andrew Sweetman propose une autre perspective : « la vie aurait pu commencer en dehors de la terre ferme et proche de la surface de l’océan ». De plus, cette nouvelle méthode de production d’oxygène pourrait également être présente sur d’autres « mondes océaniques », tels que Encelade ou Europe, qui sont des lunes de Saturne et de Jupiter. Ces conditions pourraient alors potentiellement donner naissance à une forme de vie extraterrestre.

Sweetman espère également que ces nouvelles découvertes mèneront à une meilleure régulation de l’exploitation minière des fonds marins, grâce à des données environnementales plus détaillées.