Étonnamment, des agriculteurs des Pouilles se réveillent pour trouver des amoncellements de débris déchargés en secret sur leurs terres la nuit par des véhicules non identifiés. Par ailleurs en Sicile, c’est une épidémie de brûlis orchestrés dans l’intention d’intimider les propriétaires, percevoir des dédommagements ou saisir des parcelles pour des plans d’aménagement forestiers ou immobiliers lucratifs. Non loin de Naples, c’est la prolifération de structures illégalement érigées le long d’une côte de plus en plus urbanisée. Ces infractions environnementales, liées au crime organisé, sont encadrées par un seul terme en Italie : « l’écomafia ».
Ce concept a été introduit par l’organisation écologiste Legambiente en 1994. Depuis les trente dernières années, Legambiente met en lumière l’écomafia dans un rapport annuel basé sur des enquêtes judiciaires, des dossiers de police et des articles de presse. Selon la dernière édition parue à la mi-juillet, Legambiente souligne que ces actes destructeurs pour l’environnement rapporteraient environ 9 milliards d’euros à 378 clans mafieux. Environ 35 500 infractions ont été relevées en 2023, soit une augmentation de 15,6% par rapport à l’année précédente. « Cette expansion s’attribue principalement à la hausse d’à peu près 60% des contrôles de police ainsi qu’à la reprise économique que l’Italie vit actuellement », affirme Enrico Fontana, le codirecteur du rapport et le responsable de l’Observatoire environnement et légalité à Legambiente.
Enrico Fontana met également en évidence l’immiscion grandissante des mafias dans des domaines économiques parfaitement légaux, comme la gestion des déchets et le recyclage. Les infractions reliées au trafic illégal de déchets ont connu une hausse fulgurante de 66% en 2023, un bond significatif par rapport à l’année précédente. Incendies délibérés.
Au commencement de l’année, en Calabre, les forces de l’ordre ont mis à jour un déversement massif de déchets, de plus de 5 000 tonnes, dans la rivière Valanidi. La perpétuation de cet acte a été attribuée à cinq travailleurs d’une entreprise de terrassement, connus pour leurs liens passés avec la mafia. Le déchet provenait principalement de sites de construction et de démolition.
Il semblerait que ces mêmes individus aient également prélevé des fragments de roche de la rivière pour les utiliser sur d’autres chantiers, ce qui a affaibli les rivages du cours d’eau, accru le risque d’inondation et potentiellement menacé 83 familles résidant à proximité, selon le rapport.
L’écomafia a également trouvé un terrain fertile dans l’industrie du béton. Selon Legambiente, c’est l’industrie qui recèle le plus grand nombre d’infractions mafieuses nuisibles à l’environnement, suivie de celle des déchets et du trafic illégal d’animaux (braconnage, pêche illégale, vente illégale de certaines espèces). Les crimes de la mafia dans l’économie du béton ont connu une augmentation de plus de 6,5% en 2023 par rapport à 2022. Les clans mafieux sont souvent impliqués dans la construction illégale dans des zones protégées ou soumises à des risques de tremblements de terre ou d’inondations.
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