Suite à trois semaines de contestations sévèrement réprimées par les autorités, une tranquillité instable a pris le dessus à Dacca, la métropole du Bangladesh, le matin du lundi 22 juillet. L’armée reste en alerte et le couvre-feu demeure en vigueur. L’armée et les forces paramilitaires surveillent à pied ou à bord de véhicules de combat cette cité de 20 millions de résidents. Samedi, la police n’a pas hésité à utiliser la force contre les milliers d’individus qui dénonçaient le couvre-feu. « Bien qu’il n’ait pas été annoncé officiellement, le Bangladesh se retrouve dans une situation d’urgence réelle », souligne Ali Riaz, enseignant en sciences politiques à l’Université d’État de l’Illinois.
Le dimanche 21 juillet, dans un geste de conciliation, la Cour Suprême a modifié la clé de répartition pour l’accès aux postes de fonctionnaires, qui avait provoqué le soulèvement étudiant. Désormais, seuls 5 % des postes sont dédiés aux descendants de ceux qui se sont battus pour la libération du pays en 1971, contre 30 % initialement. Une « discrimination positive » qui a été interprétée par ses opposants comme un moyen de privilégier les partisans de la première ministre, Sheikh Hasina.
Depuis 2009, l’autorité régnant sans opposition a montré une cruauté sans précédent dans la répression des agitations. Prothom Alo, le journal bengali le plus largement diffusé du pays, rapporte qu’au moins 174 vies ont été perdues en à peine six jours. Ces chiffres ne sont que préliminaires, étant donné la rareté des nouvelles provenant de Dacca. Les craintes des violations graves des droits de l’homme sont de plus en plus grandes alors que le gouvernement impose un blackout total. En effet, depuis le 18 juillet, l’accès à Internet a été coupé et les services de téléphonie mobile ont été perturbés, rendant ainsi presque impossible la communication avec l’extérieur. La police a annoncé lundi que plus de 500 personnes ont été arrêtées à Dacca, dont plusieurs leaders du Parti nationaliste du Bangladesh, qui fait partie de l’opposition.
Craignant de nouvelles violences, les étudiants pourraient hésiter à retourner dans les rues, selon Naomi Hossain, professeur à la School of Oriental and African Studies à Londres. Cependant, ils n’oublieront pas les souffrances que ce régime leur a causées. Les étudiants exigent maintenant la réouverture des campus, clos depuis le 16 juillet, et une enquête sur les meurtres d’étudiants. Abdullah Saleheen, l’un des porte-parole, a déclaré le dimanche 21 juillet: « Nous ne cesserons pas de manifester jusqu’à ce qu’une loi soit adoptée par le Parlement ». Il est clair que la contestation qui était autrefois concentrée sur le système de quotas s’est à présent transformée en un défi direct pour le régime.