Eli Zaretsky, historien à la New School for Social Research de New York, se focalise sur l’étude de l’histoire de la pensée, de la famille et du capitalisme dans la période contemporaine. Auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire de la psychanalyse, dont Secrets of the Soul (Knopf, 2004), qui a été traduit en français sous le titre Le Siècle de Freud. Une histoire sociale et culturelle de la psychanalyse (Albin Michel, 2008) et Political Freud : A History (Columbia University Press, 2017), qui reste inédit en français.
Dans Le Siècle de Freud, il énonce que « la psychanalyse a radicalement changé comment les hommes et les femmes ordinaires du monde entier se perçoivent et se comprennent mutuellement. » Il estime que la psychanalyse a été une révolution majeure, persistant jusqu’à aujourd’hui. Elle a facilité l’auto-compréhension des individus en les encourageant à prêter attention à leur vie intérieure, et à leurs expériences propres. Si la littérature avait déjà permis une certaine compréhension de ce monde intime, la psychanalyse a contribué à l’élargir. Grâce à celle-ci, les individus ont pu mieux saisir leur responsabilité, tout en percevant où celle-ci se termine et où les limites personnelles se dessinent. C’est de cette manière qu’il évoque la révolution psychanalytique.
Cependant, il souligne aussi l’importance de contextualiser la naissance de la psychanalyse dans l’histoire moderne de la pensée pour la comprendre pleinement. Dans ce contexte, il analyse la pertinence du lien entre la psychanalyse et la philosophie des Lumières, ainsi que ses « promesses émancipatrices ».
Selon moi, la psychanalyse a une liaison complexe avec les « engagements » du XVIIIème siècle: l’engagement à l’indépendance personnelle, à la démocratie et à l’émancipation féminine. La psychanalyse a approfondi et compliqué ces engagements.
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Considérons l’indépendance personnelle. Pour les hommes du XVIIIème siècle, l’individu indépendant était celui qui pensait et contrôlait sa vie librement, celui qui se libérait de ses antécédents et de sa situation socio-économique. A cette époque, l’indépendance se comprenait comme l’indépendance morale d’un individu rationnel. Cependant, la psychanalyse a démontré que l’acquisition de l’indépendance était également une question personnelle, c’est-à-dire que tout ne se résume pas à la relation entre l’individu et la société, mais plus principalement dans la relation que chacun a avec lui-même.
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