La dix-septième législature de la cinquième République débute le 18 juillet dans un contexte inhabituel, sans majorité claire ni gouvernement en place. Cela survient après les élections législatives anticipées, déclenchées par la dissolution de l’Assemblée nationale souhaitée par Emmanuel Macron, président de la République. Les députés ont l’obligation d’élire leur président lors de la première réunion parlementaire, tandis que les autres membres du bureau seront nommés le lendemain. Que signifient les postes-clés à l’Assemblée nationale, quel est leur objectif et comment sont-ils élus ?
Le président de l’Assemblée nationale a beaucoup de responsabilités. En tant que quatrième personne la plus influente de l’État, il supervise l’organisation du travail parlementaire. Selon l’article 52 du règlement de l’Assemblée, « Le président ouvre la séance, gère les débats, fait respecter le règlement, maintient l’ordre et a le pouvoir de suspendre ou de lever la séance à tout moment ». En séance publique, l’un des six vice-présidents le remplace régulièrement.
En outre, le président de l’Assemblée est consulté par le président en cas de dissolution ou d’activation de l’article 16 de la Constitution, qui donne les pleins pouvoirs au chef de l’État. Il a également la capacité de saisir le Conseil constitutionnel, où il nomme trois des neuf membres, avant la promulgation d’une loi ou d’un traité international susceptibles de violer la Constitution.
En plus de présider le congrès du parlement en cas de besoin de révision constitutionnelle à Versailles, comme l’a fait Yaël Braun-Pivet en mars pour le vote sur la constitutionnalisation de l’avortement volontaire, le président est également l’hôte de la résidence de Lassay. De plus, il prend aussi la présidence du Bureau de l’Assemblée, l’organe suprême de l’institution, ainsi que de la conférence des présidents.
La procédure d’élection du Président est détaillée dans le règlement. Tous les députés votent « à bulletin secret » au podium, en plaçant une note de vote dans une urne située sur le podium, face à l’hémicycle. Chaque député vote successivement pour le candidat qu’il souhaite voir prendre le « perchoir ».
La manière dont cette élection se déroule permet généralement à un candidat du plus grand groupe parlementaire de la majorité de devenir président de l’Assemblée. En 2017, François de Rugy du groupe La République en marche (LRM) a été élu au premier tour avec 353 voix. En 2018, son successeur, Richard Ferrand (LRM), a remporté le premier tour avec 254 voix. En 2022, Yaël Braun-Pivet a été élue au deuxième tour avec 242 voix des 462 votants.
L’élection peut avoir lieu en un, deux ou trois tours. Si la majorité absolue n’est pas atteinte ni au premier tour ni au deuxième, le député qui a le plus de voix au troisième tour est élu. En cas d’égalité des voix, le candidat le plus âgé est élu.
En raison de l’absence d’une majorité claire dans cette dernière Assemblée, la tradition pourrait être bouleversée par le fait que le chef de l’institution ne provienne pas du groupe ayant le plus grand nombre de représentants. Des accords pourraient se former en faveur d’un candidat commun à plusieurs groupes, en échange de la désignation à d’autres rôles du bureau. C’est cette négociation qui était en cours dans les allées de l’Assemblée, avant le début de la réunion de jeudi.
Le Bureau de l’Assemblée exerce la plus grande autorité collégiale de l’institution. Chargé de l’organisation interne et du fonctionnement de l’institution, le bureau est la principale entité qui propose des sanctions potentielles contre les députés ou la levée de l’immunité parlementaire d’un membre élu.
Composé de 22 membres, le bureau doit refléter les différentes tendances politiques de la salle : le président de l’Assemblée, six vice-présidents, trois questeurs et douze secrétaires. Leur élection est prévue pour le lendemain de l’élection du président de l’Assemblée, soit le 19 juillet pour cette législature.
Pour les nominations au bureau, on cherche à « reproduire la structure politique de l’Assemblée tout en respectant l’égalité entre les sexes », dit le règlement intérieur, même si ce n’est pas obligatoire. Pour maintenir cet équilibre, des points sont attribués à chaque poste de bureau, totalisant 35,5 points :
– 4 points pour le rôle de président ;
– 2 points pour le poste de vice-président ;
– 2,5 points pour le poste de questeur ;
– 1 point pour le rôle de secrétaire.
Sur un autre plan, les partis politiques se divisent les 35,5 points selon leur taille. Par exemple, le groupe du Rassemblement national (RN), qui compte 126 députés, recevrait 8 points, tandis que Ensemble pour la République en obtiendrait 6 et la France Insoumise ainsi que le Parti socialiste 5 respectivement. Ces points autorisent les dirigeants de chaque parti à assigner les postes qu’ils désirent à leurs membres. Le partage se déroule progressivement, selon le choix prioritaire basé sur la taille de chaque parti. Si les leaders de chaque groupe s’accordent unanimement sur une liste de noms, les députés choisis sont instaurés au bureau.
En cas d’un manque d’accord – comme cela a été le cas en 2022 et pourrait l’être à nouveau -, un vote plurinominal majoritaire est mis en place dans l’hémicycle pour élire le bureau. En 2022, RN avait remporté deux des six postes de vice-président.
Les vice-présidents, au nombre de six, sont des membres du bureau et ils remplacent le président lors des séances quand ce dernier ne peut pas être présent. Le premier vice-président appartient à un parti qui s’est identifié comme opposition.
Les questeurs, également membres du bureau, sont trois et l’un d’entre eux est réservé à un parti d’opposition. Ils sont responsables de l’administration, de la gestion matérielle et financière de l’Assemblée: gestion du personnel, parc automobile, maintenance des bâtiments, restaurants et buvette, systèmes de sécurité sociale, retraites, etc. Ils sont chargés de créer et d’exécuter le budget de l’Assemblée, et ont également le pouvoir de déclencher n’importe quelle nouvelle dépense.
Enfin, les douze secrétaires de l’Assemblée sont aussi membres du bureau et surveillent principalement les procédures de vote.
L’objectif principal de la Conférence des Présidents est d’établir le programme des travaux des députés. Elle détermine l’agenda des séances, la date de débat sur les motions de censure ainsi que les sessions hebdomadaires de questions orales. Elle est formée par le président de l’Assemblée, six vice-présidents, les présidents des commissions permanentes, les présidents des groupes parlementaires, le rapporteur général de la commission des finances et le président de la commission des affaires européennes. Le gouvernement est représenté par le ministre chargé des relations avec le parlement.
Les groupes politiques sont les porte-parole des députés au Palais-Bourbon. Ils sont constitués d’au moins quinze députés réunis selon leurs convictions politiques (un député ne peut rejoindre qu’un seul groupe). Les groupes qui ne se déclarent pas dans l’opposition, à part le groupe avec le plus grand nombre de membres, sont considérés comme minoritaires. Cependant, chaque groupe est libre de changer son statut en tant que groupe d’opposition à tout moment, sans contrainte. Dans cette période d’instabilité sans majorité définie, il est possible pour les groupes de basculer dans l’opposition. Les députés qui ne sont pas membres ou associés à un groupe politique sont classés comme non-inscrits.
Les groupes politiques ont un rôle déterminant dans l’Assemblée nationale. Ils sont représentés au bureau (notamment par des vice-présidents) et dans les commissions permanentes en fonction de leur influence. Ils bénéficient d’un temps de parole en session publique proportionnel à leur taille. Les groupes ont également le droit de disposer d’une journée par an, de 9 heures à minuit, pour défendre leurs projets de loi. C’est ce qu’on appelle la « niche parlementaire ».
Les responsables de groupe, sélectionnés par les législateurs du même parti, jouent un rôle crucial. Ils participent à la conférence des présidents ainsi qu’à certaines sessions du bureau. Ils contribuent à définir l’agenda de l’Assemblée en participant à l’élaboration. De plus, ils ont de nombreux privilèges dans la législation et dans le fonctionnement des sessions à l’Assemblée, par exemple la suspension de la session ou le vote public.
Les premières réunions des huit commissions permanentes de l’Assemblée, à savoir : culture et éducation, économie, affaires étrangères, affaires sociales, défense et forces armées, développement durable et aménagement du territoire, finances, et lois, auront lieu le samedi 20 juillet.
Ces commissions permanentes seraient responsables de l’examen de tout projet ou proposition de loi liés à leur domaine d’expertise. Une commission spéciale peut également être mise en place pour examiner un texte de loi, sur demande du gouvernement, du président d’une commission permanente, d’un dirigeant de groupe, ou de quinze législateurs.
Les membres de ces commissions sont sélectionnés proportionnellement parmi les différents groupes politiques, et ceux qui y siègent sont choisis sur la recommandation des leaders de groupe. Lors de leur première réunion, les commissions élisent leur bureau et surtout leur président. La commission des finances est automatiquement remise à un membre d’un groupe qui s’est déclaré comme opposition, créant ainsi une incertitude totale sur le groupe qui pourra revendiquer la présidence de cette commission stratégique.
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