Plusieurs milliers d’individus contre les réservoirs d’irrigation ont programmé pour samedi une manifestation symbolique visant à bloquer le port de La Rochelle pour protester contre les activités de l’industrie agroalimentaire. Cette mobilisation orchestrée par diverses organisations, dont le collectif Bassines non merci, est conçue comme une grande fête urbaine et maritime. Malgré l’interdiction des autorités, qui ont mobilisé plus de 3000 policiers et gendarmes depuis le début de la semaine, la manifestation se poursuit.
D’après les organisateurs, près de 200 manifestants ont réussi à infiltrer le terminal agro-industriel du port de La Pallice tôt le samedi matin. Venant du pont de l’île de Ré, ils ont contourné l’interdiction de manifester mise en place. Avec plusieurs tracteurs, ils prétendent avoir mis en place un « blocus paysan » devant les locaux d’un commerçant de céréales.
Entre-temps, à Melle (Deux-Sèvres), des activistes quittaient tranquillement le « village de l’eau », où des milliers de gens s’étaient rassemblés depuis mardi. Ils se dirigeaient vers La Rochelle en petits groupes de moins de dix. Des gendarmes montés les regardaient passer.
La veille, le départ massif des opposants aux mégabassines de leur camp pour manifester dans la Vienne avait rencontré une importante résistance des forces de l’ordre. Ces derniers avaient recours à des gaz lacrymogènes pour essayer de les disperser et avaient intensifié les vérifications et les fouilles.
Le deuxième jour de protestations met en lumière le « siège » du port, ayant pour objectif d’exposer les principales personnes impliquées dans le secteur céréalier. Les organisateurs de l’action associent celles-ci à l’édification de controversées réserves d’eau ainsi qu’à l' »accaparement » de l’eau par l’industrie agroalimentaire.
On attend des manifestants qu’ils se rassemblent avec entrain autour du port pour entraver son fonctionnement. Les organisateurs ont encouragé toutes les personnes ayant un penchant pour la navigation à se munir de leurs gilets de sauvetage et à apporter leurs kayaks, paddles et autres engins nautiques afin de former une procession maritime.
Ils visent particulièrement les « silos massifs » du port, identifiés comme d’énormes réserves spéculatives où les céréales sont affectées par « la volatilité du marché boursier ». Ce lieu est particulièrement symbolique car le port agroindustriel de La Pallice est le « deuxième port exportateur de céréales du pays », soulignent-ils.
Julien Le Guet, un des porte-paroles du mouvement, a déclaré vendredi : « Les réservoirs ne sont pas destinés à la culture locale, mais destinés à approvisionner les marchés mondiaux ». Il a exprimé l’espoir de réussir à bloquer le port « de manière symbolique ».
Vendredi, une première manifestation impliquant plusieurs milliers de personnes (3 800 données par la police, 6 500 selon les organisateurs) dans la Vienne n’a pas réussi. Les organisateurs ont renoncé au projet d’atteindre l’usine de production de semences d’une coopérative agricole située près de Poitiers après qu’un incendie a éclaté suite à l’usage par la police de grenades lacrymogènes. Un organisateur a alors déclaré : « On va se préserver pour demain, demain sera un autre jour ».
La Préfecture de Charente-Maritime a banni toute manifestation en ville jusqu’à dimanche à 6h, incluant le centre historique de La Rochelle, une destination très prisée des touristes durant cette période estivale. Le préfet, Brice Blondel, a fermement exprimé son refus de permettre des actes de violence en ce jour très fréquenté et a exhorté les habitants de la ville à rester prudents et à éviter certaines zones malgré la mise en place de mesures de protection.
D’autre part, le « village de l’eau », orchestré par de multiples acteurs écologiques dont Bassines non merci, Les Soulèvements de la Terre, Extinction Rébellion, l’association altermondialiste Attac et l’union syndicale Solidaires, se tiendra à Melle jusqu’à dimanche, avec le soutien de 120 organisations militantes.
Le débat autour des réserves de substitution, qui ont pour objectif de stocker des millions de m3 d’eau provenant des nappes phréatiques pendant l’hiver pour irriguer les cultures pendant l’été, continue de faire rage dans la région. Plusieurs dizaines d’entre elles sont en attente de réalisation. Pour certains, c’est une nécessité pour les exploitations agricoles face aux sécheresses répétitives, tandis que d’autres critiquent le prétendu « monopole » de l’eau par l’agro-industrie.