Le mercredi du 9 novembre 2016, le journal Var-Matin a publié sur sa première page une histoire concernant un résident d’Hyères, Jean Brosseron. Brosseron est réputé dans le monde entier pour être le garçon joyeux sur une photo célèbre qui porte une baguette, courant dans une rue parisienne. Le journal local a raconté des détails rapportés par l’ancien Parisien maintenant âgé qui, 64 ans après la prise de la photo, a recréé la scène avec l’aide d’une amie photographe. À Fréjus, en vacances, Pierre Bariod achète un exemplaire du journal et se met en colère. Il insiste sur le fait que le garçon de la photo est bel et bien lui, mais aucune réponse de la part du journal Var-Matin.
En décembre 2022, la baguette a été ajoutée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le Parisien a alors publié un article où ils prétendent avoir retrouvé Jean, « le petit Parisien » de la photo de Willy Ronis. Encore une fois, c’est le même Jean Brosseron qui répète l’histoire déjà partagée avec Var-Matin. Son compétiteur, Pierre Bariod, est en furie.
En quête d’une oreille sympathique, Bariod écrit au Parisien puis à Emmanuel Macron, le président français, qui a utilisé la photo pour honorer le pain français sur ses réseaux sociaux. Sans ambigüité, Pierre Bariod revendique dans sa lettre qu’il est le garçon sur la photo. La présidence a poliment accusé réception de sa lettre.
Bariod, déçu et pensant que personne n’accorde d’intérêt à sa revendication, contacte son journal local, le Bien public. A sa grande joie, ils acceptent de publier sa version de l’histoire. Dans leur édition du 27 janvier 2023, ils consacrent leur première page à l’histoire de Bariod sous le titre »Un Dijonnais veut rétablir la vérité ». Bariod, tenant une copie de la photo en noir et blanc, insiste : « C’est moi sur la photo! ».
Lorsque nous avons suggéré d’analyser leurs preuves, ce fut une bonne nouvelle pour les deux septuagénaires : le fraudeur, qui devait nécessairement être l’autre, allait enfin être exposé ! En milieu avril, Pierre Bariod fut le premier à nous recevoir dans la salle à manger de sa demeure. Sur la table, il avait disposé des photos de lui quand il était petit. Il est né en juin 1947 et avait près de 5 ans lorsque les photos ont été prises, en mai 1952. « Je n’ai aucun souvenir de ce moment », admet-il d’entrée de jeu.
Au début des années 1990, son frère, stupéfait, tombe sur cette image, exposée dans le corridor de l’hôpital de Besançon. Pour plaisanter, il trouve une copie en format carte postale et l’envoie à leur mère. Cette dernière affirme reconnaître le pull-over qu’elle aurait tricoté pour son fils. Quelques mois plus tard, la première épouse de Pierre Bariod prend la liberté d’envoyer une lettre à Willy Ronis (1910-2009). Elle lui envoie des photos d’alors et l’adresse de l’appartement de ses parents en 1952 : 2 bis, rue Pétel, dans le 15ème arrondissement de Paris. C’est là, au bas de l’immeuble, que le photographe aurait capturé le sourire de l’enfant.
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