En déclarant son intention de se présenter à la présidentielle prévue le 6 octobre, le président tunisien Kaïs Saïed a souligné son désir de continuer la lutte pour la liberté nationale. L’annonce, faite le vendredi 19 juillet, n’a pas été une surprise, le président confirmant qu’il chercherait à assumer un autre mandat à la présidence.
Depuis la région de Tataouine, dans le Sud de la Tunisie, Kaïs Saïed a répondu à ce qu’il a appelé « l’appel sacré de la patrie » dans une vidéo diffusée par la présidence. Il a également mis en garde ceux qui soutiennent les candidats, appelant à l’honnêteté et à ne pas accepter de paiement de quiconque. Précisant que s’ils le faisaient, il ne pardonnerait jamais.
En juillet 2021, Saïed, expert de la constitution et élu en octobre 2019, a secoué la jeune démocratie tunisienne née en 2011 à la suite de la première rébellion du « Printemps arabe », en accumulant tout le pouvoir suite à un coup d’éclat. Suite à plusieurs mois de paralysie politique, il a démis le premier ministre de ses fonctions et gelé le Parlement avant de le dissoudre.
Durant l’été 2022, le Président Saïed a organisé un référendum pour l’adoption d’une nouvelle constitution, instituant un système bicaméral avec des pouvoirs très limités. Cela a transformé la Tunisie d’un régime parlementaire à un régime hautement présidentiel, une décision que ses opposants jugent comme reflétant une tendance autoritaire croissante de Saïed.
Depuis le début du printemps 2023, des figures de proue de l’opposition ont été incarcérées, y compris Rached Ghannouchi, leader du parti Ennahdha orienté islamiste conservateur, et Abir Moussi, la dirigeante nostalgique des dictatures du héros de l’indépendance Habib Bourguiba et de Zine El-Abidine Ben Ali, du Parti destourien libre. Ben Ali a été évincé en 2011. Ennahdha, la bête noire du président Saïed, a dirigé les coalitions pendant la décennie qui a suivi la révolution de 2011 contre le régime de Ben Ali.
On note « une intensification de la répression de l’opposition »
D’importantes personnalités d’opposition, une vingtaine depuis le mois de février, qui ont été étiquetées comme « terroristes » par le président Saïed, sont actuellement en détention et sont « soupçonnées de conspiration contre la sécurité de l’Etat ». Les ONG dont Amnesty International ont condamné « une chasse aux sorcières motivée par des raisons politiques ».
Lotfi Mraihi, qui a annoncé sa candidature à la présidence, a été condamné jeudi à huit mois d’emprisonnement avec une inéligibilité à vie. Des organisations non gouvernementales notent un nombre croissant d’embûches mises sur le chemin des adversaires potentiels du président Saïed. M. Mraihi, leader de l’Union populaire républicaine, un parti de gauche en désaccord avec le président, a été arrêté pour des accusations de corruption financière le 3 juillet.
De nombreuses figures politiques qui se sont présentées aux élections font face à des procédures judiciaires ou sont derrière les barreaux, comme c’est le cas pour Madame Moussi. Au rang des autres candidats présumés incarcérés, on compte Issam Chebbi, le leader du parti d’opposition Al Joumhouri. Celui-ci a été incarcéré le 25 février 2023 suite à une accusation de « complot contre l’état ». Il a cependant abandonné sa candidature jeudi, car il n’a pas réussi à obtenir les formulaires de soutien nécessaires, selon son propre parti. Abdellatif Mekki, l’ex-ministre et actuel leader du parti du Travail et Réalisation, également ex-dirigeant d’Ennahda, qui avait également annoncé sa candidature, a été empêché de quitter le pays le 12 juillet.
Cette semaine, Amnesty International a émis une critique envers le « durcissement de la répression contre l’opposition » en Tunisie, à la suite de l’interpellation du secrétaire général d’Ennadha, Ajmi Ouirimi, ainsi que de deux membres du parti.
L’ONG tunisienne I Watch a critiqué le « processus complexe » de l’élection d’octobre, en particulier pour les candidats détenus en détention préventive, et l’ « absence systématique de transparence » de l’Instance en charge de l’organisation des élections (ISIE).
La Tunisie fait face à la fois à une profonde crise politique, amplifiée par l’acte de force de M. Saïed, et à de sérieux problèmes économiques, marqués par une croissance limitée (autour de 2%), une augmentation du taux de pauvreté (4 millions de Tunisiens sur une population de 12 millions) et un taux de chômage très élevé (15 %).
Outre la Libye, la Tunisie est l’un des points de départ majeurs des migrants qui tentent de traverser la mer Méditerranée dans une quête périlleuse d’atteindre l’Europe.
Suite à un discours du président Saïed en février 2023, qui avait des tonalités xénophobes, des milliers de personnes originaires d’Afrique subsaharienne vivant en Tunisie sans autorisation légale ont été dépossédés de leur domicile et de leur occupation, qui était généralement non déclarée.
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