Combien de temps a-t-on pour intenter une action en responsabilité contre un notaire qui est accusé d’être responsable d’un ajustement économique ? Face à cette question et aux contradictions dans sa jurisprudence, la Cour de cassation a chargé une chambre mixte (composée des trois chambres civiles et de la chambre commerciale) d’y répondre lors d’une séance filmée le 21 juin, en raison de l’importance de la question.
Le cas qui a soulevé cette question était le suivant : en 1998, cinq frères et sœurs issus d’une famille, appelée famille X, choisissent de donner des actions à leurs enfants, à condition qu’ils les revendent immédiatement. Le 7 décembre 2001, une procédure de redressement fiscal de 6,2 millions d’euros leur a été notifiée, sous l’accusation de « abus de droit ». Selon l’accusation, ces dons leur auraient permis d’éviter l’impôt sur les gains en capital qu’ils auraient dû payer s’ils avaient vendu eux-mêmes ces actions.
La famille X a contesté en vain cette réclamation fiscal devant les tribunaux administratifs, la cour d’appel en 2011, et le Conseil d’Etat en 2012 a rejeté leur appel.
Le 14 novembre 2013, après avoir négocié un accord avec l’administration fiscale de 5,8 millions d’euros, la famille X poursuit le notaire qui leur avait conseillé de lier la donation à la vente. Les juges ont déclaré leur action prescrite en vertu de l’article 2224 du Code civil. Selon cet article, les poursuites civiles ou liées à des biens mobiliers sont prescrites cinq ans après le jour où le détenteur d’un droit a eu ou aurait dû avoir connaissance des faits qui leur permettraient d’exercer leurs droits. Les juges ont conclu que l’action aurait dû être intentée dans les cinq ans suivant la notification de l’ajustement, qui contenait toutes les informations nécessaires.
Le 14 novembre 2019, la Cour de cassation a contredit les juges, indiquant que le document présenté n’a pas permis aux X de comprendre les charges fiscales qu’ils devaient assumer. Effectivement, l’annonce du redressement, qui a été changé en 2004 à la proposition de rectification, ne commence qu’un processus contradictoire à la fin duquel l’administration peut délaisser ses poursuites.
Le 3 novembre 2020, la Cour d’appel de Versailles, où l’affaire a été renvoyée, a décidé que les X auraient dû agir dès qu’ils ont reçu « l’avis de mise en recouvrement » des montants dûs. C’est à ce moment-là que le contribuable peut contester l’impôt en premier lieu par une réclamation litigieuse et ensuite, si celle-ci est rejetée, en appelant à la justice administrative.
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