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« Maison d’édition algérienne saborde après polémique »

La guerre culturelle en vigueur sur les médias sociaux en Algérie a démontré ses ravages lorsque la maison d’édition MIM a décidé de démanteler ses activités le mardi 16 juillet. Cette décision faisant suite à une vive critique d’un de ses romans – « Houaria », écrit par Inaam Bayoud. Le livre en question avait récemment reçu le grand prix Assia-Djebar pour le roman en langue arabe, remis à Alger le 9 juillet en présence de la ministre de la culture, Soraya Mouloudji. Les prix Assia-Djebar, créés en 2015 par l’Anep, honorent les meilleures fictions en arabe, amazigh et français.

En annonçant sa fermeture, MIM a déclaré dans un communiqué: « Nous nous battons pour la paix et l’amour, cherchant à propager ces idéaux. Protégez le pays de la dissension et préservez la littérature, car une nation bien instruite ne peut être ni asservie ni en état de famine. » Cette nouvelle a provoqué une onde de choc dans les cercles culturels, d’autant plus que cette controverse renvoie l’image d’une Algérie divisée. Ce conflit met face à face les « progressistes », défenseurs de la liberté d’expression, et les « conservateurs », critiques des atteintes aux « valeurs » de la nation.

Au premier abord, les réactions défavorables au roman semblent être stimulées par l’anticipation du Mouvement pour l’Indépendance de la Mère (MIM). Ce dernier a émis à l’attention des intellectuels algériens, des auteurs de livres, des écrivains non reconnus, ainsi qu’aux éditeurs authentiques et contrefaisants, une déclaration indiquant que ces hostilités s’apparentent plus à des rivalités littéraires habituelles. En particulier, Rabah Kheddouci, l’auteur et éditeur, critique le manque de saveur stylistique du roman, qu’il juge indigne du prestigieux prix Assia-Djebar. Kheddouci s’interroge où sont passées la magnificence de l’usage du vocabulaire et le charme de la déclaration. De même, l’écrivain Tayeb Sayad souligne que la littérature devrait inspirer les lecteurs à s’élancer grâce à l’affectation expressive, l’originalité de la réflexion ou la grandeur des émotions humaines.

Néanmoins, ces critiques ont rapidement glissé vers des accusations moralisatrices, fustigeant l’écrivaine pour son recours à un langage vulgaire (darja). Inaam Bayoud est accusée d’avoir porté atteinte aux femmes de l’Oranie, où le nom de Houaria, faisant référence à Sidi El Houari, le saint protecteur de la ville d’Oran, est très répandu. Des extraits du roman ont été partagés pour souligner que l’auteure s’en prend à la décence et aux valeurs religieuses. L’extrait le plus récurrent est celui où un homme réprimande violemment une femme : « Je te le dis clairement, où que tu ailles, même à l’intérieur d’une souris, je te traquerai ». L’utilisation du darja rend la phrase plus choquante aux yeux de ceux qui défendent la morale.

« Les censeurs sont des ignorants ».

Dans ses déclarations à la presse, Inaam Bayoud a révélé que Houaria est un personnage basé sur une personne réelle. Elle avait pour objectif de narrer la « décennie noire » (la guerre entre 1992 et 2002 où les autorités étaient en conflit avec les islamistes) à travers le personnage d’une femme lisant les lignes de la main et interagissant avec des individus de toutes les couches de la société. Elle a indiqué que Houaria est le personnage principal qui lui permet d’explorer la complexité des autres personnages et tisser leurs histoires ensemble.

Face aux attaques agressives, la communauté culturelle, tant arabophone que francophone, a réagi de manière résolue. Des auteurs, éditeurs, intellectuels et journalistes ont montré leur soutien en lançant une pétition en faveur de l’auteure et de la maison d’édition MIM. Ils ont condamné les attaques indignes et les menaces ouvertes ou voilées contre elles. Ils ont exhorté la directrice du MIM à renoncer à sa décision de fermer la maison d’édition sous la pression.

Malgré l’audience limitée des lecteurs en Algérie, cette controverse a donné à Houaria une notoriété inattendue. L’historien Hosni Kitouni a affirmé sur sa page Facebook qu’aucune interdiction ne peut anéantir un livre, car il trouvera toujours son public, surtout à l’ère d’Internet. Il a ajouté que les censeurs sont stupides et dangereux. S’ils sont laissés libres, ils pourraient continuer leur destruction en visant d’autres choses, comme le droit d’aimer ou le droit d’être ému en écoutant Abdelhalim chanter sa célèbre chanson d’amour « Lettre de sous l’eau », écrite par le poète Nizar Kabbani.

Même si la controverse n’est pas directement gérée par les autorités, de nombreux commentateurs insistent sur le fait que ces agressions sont liées au contexte général de réduction des libertés civiques en Algérie. Le 29 juin, la police a ainsi arrêté brièvement l’auteure française Dominique Martre alors qu’elle présentait son livre, La Kabylie en partage, dans l’intimité des femmes (éd. Koukou), à Bejaïa. Ce livre est une chronique de son expérience en tant qu’enseignante dans un village de Kabylie dans les années 1970.

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