Sur le premier étage de la prison de la Santé à Paris, dans le bureau, on est accueilli par un grand poster de Joe Strummer, le leader des Clash, tenant une cigarette entre ses lèvres. L’espace est également décoré avec des photos de ses quatre enfants, des pochoirs de l’artiste de rue Jef Aérosol, une copie de L’Etranger d’Albert Camus, ainsi que les plans originaux de la prison – un cadeau de Robert Badinter. On peut aussi y voir des écharpes des clubs de foot RC Lens et Olympique de Marseille, qu’il favorise. Bruno Clément-Petremann, le directeur du prison depuis sa réouverture rénovée en juin 2019, s’avère être une figure contrastante dans un milieu souvent perçu comme morno et sans imagination. À 62 ans, entamant sa sixième année à la direction du célèbre établissement carcéral parisien, il a accepté de discuter avec Le Monde de son amour pour le rock et de sa carrière dédiée à humaniser le système carcéral.
Son chemin vers la direction de la prison de la Santé dans le 14e arrondissement de Paris n’était pas une vocation pour cet homme de 62 ans qui a passé toute sa carrière dans l’administration pénitentiaire. En réalité, sa passion était la musique, spécifiquement le rock. Il se souvient avoir découvert cette passion en 1977 chez un ami, dont les parents étaient antiquaires. Ils ont écouté l’album des Sex Pistols, Never Mind the Bollocks, ensemble. Cette expérience a été un réel choc et une révélation pour les adolescents qu’ils étaient à l’époque. Ces sons libérateurs étaient une toute nouvelle expérience pour eux. Encouragés par cette découverte, lui et son groupe d’amis à l’école secondaire à Melun ont décidé de monter leur propre groupe de rock. Malheureusement, le groupe n’a duré qu’un an.
En réalité, ma genèse musicale coïncide avec l’avènement du mouvement punk à Londres. Ce fut une période de floraison culturelle dans divers domaines: mode, design, art de rue et plus encore. Depuis lors, notre existence a été rythmée par des concerts, des voyages à Londres, des excursions à la boutique de disques New Rose, située rue Pierre-Sarrazin à Paris, où nous cherchions avec enthousiasme les dernières sorties. A cette époque, mon ambition était de devenir journaliste, plus spécifiquement, un critique de rock.
Est-ce que vos parents étaient d’accord avec ça ?
Ils n’étaient pas particulièrement enthousiasmés. Je suis issu d’un milieu ouvrier. Mon père, originaire de Nièvre et formé en tant que chaudronnier, travaillait en usine depuis l’âge de 14 ans, tout comme ses trois frères et leur père. Quant à ma mère, native de Tours, elle travaillait comme ouvrière dans une usine de fils électriques. Ils avaient émigré à Paris à la recherche de travail, oú je suis né. Ils étaient sympathisants de gauche, de cette gauche ouvrière du Parti communiste français qui s’est ensuite orientée vers le Parti socialiste autour de 1981. Bien que nous n’étions pas militantement engagés à la maison, la politique était souvent un sujet de discussion. Nous regardions régulièrement des émissions de débats. J’ai été le premier membre de ma famille à obtenir un baccalauréat, ce qui a été une grande fierté pour mes parents. Ils m’ont soutenu dans mes études supérieures et étaient ravis de me voir étudier le droit.
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