Lors du dernier jour du Festival international du journalisme à Couthures-sur-Garonne, une série de conversations et de conférences a abordé un sujet aussi délicat qu’intriguant : la mort. Comme le note Véronique Fournier, cardiologue, docteure en santé publique et auteur du livre « Sept vieilles dames et la mort », discuter de tels sujets lors d’un festival estopival est important.
Dans le cadre du débat « Peut-on apprendre à mourir? », Noémie Robert, une spécialiste des funérailles et conteuse, présentait des chiffres intrigants : En 2016, l’institution Crédoc a rapporté que 74% des funérailles en France avaient un élément religieux, alors qu’au même moment, selon l’Eurobaromètre sur la religion, 70% des Français ne se considéraient d’aucune religion spécifique. Noémie Robert a ajouté que moins de 5% des français sont pratiquants d’une religion au quotidien. Elle a souligné qu’il manque des alternatives pour les rites funéraires pour ceux qui ne se sentent pas liés à une religion particulière.
Jennifer Kerner, assise à gauche, est une thanato-archéologue qui examine les cadavres anciens pour comprendre les rituels, traditions et croyances autour de la mort qui étaient pratiqués à différentes époques et lieux. « Il est très inhabituel, dans le monde entier et à travers l’histoire, de croire qu’il n’y a absolument rien après la mort, » déclare-t-elle. Elle donne comme exemple une communauté mexicaine qui croit qu’à la mort d’un individu, celui-ci doit passer par divers défis pendant douze jours pour atteindre l’au-delà, y compris de moutons anthropophages et de chiens agressifs. « Par conséquent, les vivants placent du sel près du cadavre pour éviter qu’il ne soit mangé par le mouton, et un bâton pour se protéger contre les chiens. Cela les implique activement dans l’accompagnement du défunt et donne un sens à cette pratique, » explique Kerner.
« Pourquoi est-il si crucial de recourir aux histoires et à l’imagination lorsqu’on parle de la mort? », se demande Lucie Hennequin, journaliste au HuffPost et modératrice de la conférence. Pour Kerner, cela aide à perpétuer les souvenirs en les encodant. Noémie Robert ajoute que « la légende n’a pas besoin d’être dramatique. Il s’agit aussi de laisser de la place pour écouter les histoires des personnes qui ont côtoyé le défunt, car notre perspective d’une personne varie si on est son enfant, son ami, son époux ou son collègue. « Il est nécessaire de partager et de relier les différentes histoires, » conclut Noémie Robert. Sujet tabou.
Elle emploie les histoires pour transformer la mort en une entité à laquelle on peut faire face, avec laquelle on peut faire une conversation, bien qu’on n’a pas le contrôle final, dit-elle, le sourire aux lèvres. Selon elle, connaître la mort signifie aussi d’en parler et d’en tirer une image. La doctoresse Véronique Fournier ajoute: « Le plus on lit sur le sujet, et le plus on en parle, le plus je perçois que cela apaise quelque peu nos inquiétudes internes vis-à-vis de ces questions. »
Les rites de la mort peuvent être pratiqués ou vécus de multiples façons. Noémie Robert déplore que les gens ne sont pas assez informés sur les différentes options qui sont à leur disposition. « Par exemple, l’usage des urnes n’est nullement obligatoire. Si votre bien-aimé était un laitier, et que vous voulez disposer ses cendres dans une urne en forme de bidon de lait de 3.5 litres, c’est tout à fait faisable « , dit-elle. Et si on n’a pas eu la chance d’assister aux funérailles , « il faut se donner la permission de réarranger un moment d’adieu, de recueillement, qui aura son effet même en l’absence du corps du défunt », estime-t-elle.
La mort demeure toujours un sujet tabou. Cependant, comme le fait remarquer Jennifer Kerner, « les images de violences sont omniprésentes dans notre monde. C’est comme si un cadavre étranger était acceptable, tandis qu’un cadavre au sein de notre maison est nié, tabou. » Ceci génère une forme de peur, voire de terreur. « Je perçois qu’assez vite, ce qui est naturel, l’idée de devenir un cadavre, est perçu comme infâme », ajoute la thanato-anthropologue.
Noémie Robert, une experte du secteur funéraire en France, dénonce le manque de formation à long terme et le taux de rotation élevé des employés dans l’industrie funéraire. Elle souligne également la commercialisation croissante des services funéraires, qui, selon elle, a conduit à un défaut dans le soutien des familles en deuil. Cependant, il existe des solutions alternatives telles que les coopératives funéraires dans des villes spécifiques telles que Strasbourg, Bordeaux, et Rennes.
De son côté, l’humoriste et ancien chroniqueur de France Inter, Alex Vizorek, qui a récemment rejoint RTL, a abordé le thème de la mort lors d’un spectacle à l’église du village de Couthures. Il déclare que l’humour lui permet de dominer le sentiment d’angoisse lié à la mort. Une opinion soutenue par la journaliste de Le Monde, Joséfa Lopez, citant les paroles de l’humoriste Pierre Desproges: « Profitons de la vie en attendant la mort ».
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