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14 juillet 2024 0 h 09 min

Pouvoirs d’un gouvernement démissionnaire expliqués

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Emmanuel Macron, le président français, a fait une déclaration suite à une longue période de silence après la seconde phase des élections législatives, qui se sont dévoilées comme une défaite pour le parti présidentiel. Dans une lettre révélée au public le mercredi 10 juillet, Macron affirme vouloir accorder un certain délai aux groupes politiques pour constituer une « majorité déterminée ». Il souligne également que le gouvernement en place assurera ses obligations et s’occupera des tâches courantes, suivant ainsi la coutume républicaine.

Gabriel Attal, le premier ministre, avait offert sa démission après la deuxième ronde des élections législatives le lundi 8 juillet, comme l’exige la tradition républicaine, mais la demande de Macron était pour lui de rester « pour le moment », afin de maintenir la « stabilité du pays ». D’après les informations récoltées par Politico, et validées par Le Monde, le président devrait accepter la démission du gouvernement le 17 juillet, ce qui permettrait aux ministres élus de siéger à l’Assemblée. Les travaux de la législature commenceront le jour suivant.

Une fois cette démission acceptée, le pays serait sans véritable gouvernement, mais les ministres demeuraient en fonction en attendant l’assignation d’un nouveau premier ministre pendant qu’ils se chargeront des affaires courantes. Plusieurs constitutionnalistes ont été consultés pour comprendre ces pouvoirs spécifiques et la durée possible de cette situation.

Un gouvernement chargé de la gestion des fonctionnalités quotidiennes est un gouvernement où les ministres demeurent temporairement en poste pour garantir la continuité de l’État et de ses services, et donc le fonctionnement quotidien et essentiel des administrations sous leur charge. Comme l’explique Benjamin Morel, professeur en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas, un ministre qui a démissionné n’est plus réellement un ministre mais en assume encore les fonctions, avec des limites à son autorité.

Il n’existe pas de dispositions juridiques précises sur ce qu’un gouvernement démissionnaire peut ou ne peut pas faire. Il relève en fait d’un principe traditionnel du droit public datant de la Troisième République et qui s’est imposé par la pratique. Cependant, les exemples sont rares et, par conséquent, la jurisprudence sur cette question demeure mince.

Comment sont limités les pouvoirs d’un tel gouvernement ?

Un gouvernement chargé de traiter les affaires courantes a des pouvoirs beaucoup plus restreints qu’un gouvernement pleinement fonctionnel. En principe, il ne peut pas prendre de mesures politiques. « Il n’est pas autorisé à prendre des décisions qui entraînent une modification permanente d’un organe ou d’un service public ou d’un statut juridique », explique Elysée Hator, doctorant en droit public à l’université Paris-Saclay, dans un article publié en 2023 sur ce sujet. En effet, un tel gouvernement ne peut pas, par exemple, effectuer des changements durables à un service public, créer de nouveaux droits et obligations pour les citoyens, ou prendre des mesures qui ne sont pas déjà stipulées dans les lois existantes et promulguées.

En raison du manque d’exemples historiques dans la République française, il est parfois difficile de prévoir les actions juridiques qu’un tel gouvernement pourrait prendre. Comme le souligne le constitutionnaliste Dominique Rousseau, la délimitation est compliquée car elle dépend de l’évaluation du Conseil d’État. Le Conseil d’État a la capacité de remettre en question un décret s’il considère que l’objectif dépasse simplement le maintien de la continuité des services publics.

Selon Dominique Rousseau, un gouvernement ne peut pas toujours être empêché de prendre des décrets, des circulaires et des arrêtés pour mettre en œuvre des lois déjà votées sous prétexte qu’il s’occupe des affaires courantes. Par exemple, le ministre de l’éducation nationale pourrait émettre une circulaire pour organiser les groupes de niveau en préparation de la prochaine rentrée scolaire, explique le juriste. Il ajoute que dès lors que les lois ont déjà été votées, le gouvernement serait également autorisé à publier les décrets d’application correspondants.

Elysée Hator, dans le même article de la Revue française de droit constitutionnel, indique que les mesures administratives autorisées peuvent par exemple inclure la distribution du courrier, l’organisation des examens et des concours publics, et le paiement des salaires et des pensions de retraite.

Selon Julien Boudon, rien n’empêche juridiquement un gouvernement démissionnaire d’agir en cas d’urgence, par exemple face à un attentat. Ce gouvernement reste libre d’instaurer l’état d’urgence si nécessaire, bien qu’il doive alors organiser un conseil des ministres. Toutefois, Benjamin Morel souligne que par convention, un tel conseil n’est normalement pas convoqué quand le gouvernement est démissionnaire, mais cette règle n’est pas une contrainte légale.

La question de déterminer quand un gouvernement démissionnaire n’a plus que des fonctions administratives cause tout de même une certaine controverse. Pour Dominique Rousseau, le gouvernement actuel d’Attal est toujours pleinement en fonction, car le président de la République n’a pas encore accepté sa démission. En d’autres termes, la démission du gouvernement serait officiellement reconnue lorsque Emmanuel Macron signe un décret présidentiel pour confirmer cette démission et mettre fin aux fonctions de Gabriel Attal et de son équipe. Le décret entrerait en vigueur le jour suivant sa signature, lors de sa publication au Journal officiel. Le secrétariat général du gouvernement soutient également cette interprétation dans une note récente envoyée aux directeurs de cabinet, qui a été révélée par Politico Europe.

Selon une interprétation juridique défendue par Julien Boudon et Benjamin Morel, un gouvernement est considéré comme ayant démissionné dès que le premier ministre remet sa lettre de démission au président de la République. Cette interprétation s’appuie sur une jurisprudence établie par le Conseil d’État le 22 avril 1966, revenant sur une situation qui avait eu lieu en 1962. Lors de cet incident, le 5 octobre 1962, le gouvernement de Georges Pompidou avait été destitué suite à une motion de censure, poussant celui-ci à soumettre sa démission à Charles de Gaulle le même jour, qui l’a refusée. Finalement, le 28 novembre 1962, le Président a accepté et signé le décret mettant fin au mandat de son Premier ministre.

Des années plus tard, lorsqu’ils ont été appelés à se prononcer sur un décret émis entre ces deux dates, les juges ont néanmoins jugé que le gouvernement avait démissionné dès le 5 octobre 1962, jour de la lettre de démission de M. Pompidou, et n’était donc plus responsable que de la gestion des affaires courantes.

La question se pose alors : pendant combien de temps un gouvernement ayant démissionné peut-il continuer à gérer les affaires courantes ?

Concernant la nomination du Premier ministre, elle relève exclusivement du Président de la République, selon l’article 8 de la Constitution. Il n’est tenu à aucune obligation légale de choisir une personalité du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale et aucun délai n’est précisé par la loi.

Il est incertain quand Emmanuel Macron, le président, nommera un nouveau premier ministre suite à la démission du gouvernement Attal le 17 juillet. Il a exprimé son intention de donner aux partis politiques un certain temps pour construire des compromis dans le respect et la sérénité. Cependant, Benjamin Morel souligne ce comme un dilemme démocratique, car un gouvernement en charge des affaires courantes ne peut pas être destitué par l’Assemblée nationale une fois sa démission réalisée. « Nous sommes confrontés à une certaine instabilité politique, car habituellement un tel gouvernement ne dure que quelques jours ou semaines au plus », insiste-t-il. L’incertitude demeure quant à la volonté du président de prolonger une telle situation face à une pression politique importante et une population française qui pourrait montrer de l’impatience, ayant exprimé massivement leur opinion lors des élections législatives.

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