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14 juillet 2024 13 h 11 min

Le défi de la mémoire d’Hugo Pratt

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Alors que les discours et applaudissements sur le thème de la bande dessinée résonnent dans le gigantesque hall du Centre Georges-Pompidou, Silvina Pratt se fraye un chemin à travers la foule. Elle traverse le rassemblement, composé d’invités portant des sacs à bandoulière et d’éminents fonctionnaires en tenue formelle. La fille du renommé écrivain italien Hugo Pratt (1927-1995) passe sans même jeter un regard sur Patrizia Zanotti, l’ex-coloriste qui est maintenant l’héritière de l’oeuvre du créateur de Corto Maltese.

Cette soirée du 28 mai, les deux femmes font partie des nombreux invités présents pour l’inauguration de « La BD à tous les étages », un événement sans précédent qui accueille cinq expositions différentes. La Bibliothèque publique d’information (BPI) offre notamment une exhibition consacrée aux sources d’inspiration littéraire de Corto Maltese, le marin anarquiste influencé par les auteurs tels que Joseph Conrad, Robert Louis Stevenson et Herman Melville. Laurent Le Bon, le directeur du Centre Pompidou, fait part de son enthousiasme quant à la « reconnaissance publique de la bande dessinée » devant de célèbres auteurs de roman graphique américains comme Art Spiegelman (Maus) et Chris Ware (Jimmy Corrigan, Rusty Brown…), ainsi que l’académicienne de Beaux-Arts et illustratrice, Catherine Meurisse (La Légèreté, La Jeune Femme et la mer…).

Les remerciements fusent devant le mur sur lequel est affiché en aquarelle le visage du personnage emblématique imaginé par Hugo Pratt en 1967. Cependant, nul parmi les personnes remerciées ne fait mention de sa fille. Quand vient le tour de Patrizia Zanotti de monter sur scène, sans attendre un mot, Silvina Pratt, vêtue de lunettes noires et aux cheveux blonds coupés au carré, se retire pour aller fumer une cigarette.

Ce fut une occasion de plus pour contribuer à la postérité de « Hugo ».

Depuis le décès du célèbre dessinateur Hugo Pratt dû à un cancer en 1995, la responsabilité de gérer les droits d’auteur de son travail ne revient plus à sa famille. Pratt, de son vivant, avait désigné Patrizia Zanotti pour superviser l’intégralité de son œuvre. C’est généralement à la descendance qu’une telle charge est confiée à la mort d’un artiste, à moins qu’une personne spécifique ne soit désignée par testament, comme c’est le cas ici.

Pratt a eu quatre progénitures issues de deux mariages différents. Ses deux enfants les plus âgés, Marina et Lucas, sont nés de son mariage avec une employée du consulat britannique à Venise, Gucky Wögerer. Ils ont passé leur enfance en Argentine (Lucas est malheureusement décédé en 2007, à l’âge de 53 ans). Ses enfants les plus jeunes, Jonas et Silvina, sont le fruit de son union avec la coloriste belgo-argentine Anne Frognier. Ils sont nés en Argentine et ont grandi entre la France et l’Italie. Cependant, Silvina Pratt, maintenant âgée de 60 ans, lutte depuis deux décennies pour s’impliquer davantage dans l’héritage de son père.

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