Bernadette Lizet, dans son dernier ouvrage « Le Cheval en robe de mariée. Des marchands de chevaux en France. 1880-1980 », publié par CNRS Editions dans la collection « Anthropologie et mondes contemporains », explore le monde très particulier des marchands de chevaux, appelés maquignons, dont l’image est souvent associée à celle de roublards. Forts d’un secret qui leur confère leur puissance, ces revendeurs de chevaux n’ont pas usurpé leur notoriété.
Avec la disparition du métier dans les années 1970, suite à la mécanisation de l’agriculture, plus de secrets, les langues se sont déliées. Lizet a alors agrémenté son enquête de témoignages récents, en plus d’un corpus impressionnant de correspondances, photos, carnets de ventes ou d’achats recueillis durant quarante ans de travail ethnographique.
Elle a centré son étude sur les Perraguin, une famille de maquignons de génération en génération de 1880 à 1980. Cependant, cette biographie familiale ne se limite pas à présenter leur histoire, mais sert de cadre pour dresser un portrait précis de la vie rurale tout en situant l’évolution de cette profession à travers l’histoire nationale.
L’ouverture du livre nous ramène dans la France où « le cheval est à l’œuvre partout », indispensable à tous les métiers – médecin, notaire, boucher, marchand ambulant, boulanger, viticulteur ou tsigane. Pour eux, le maquignon devient un personnage crucial. Les quatre frères Perraguin ont bâti « un véritable empire commercial ». Sous la direction de l’aîné, cette entreprise du Berry a vendu, après la Première Guerre mondiale, jusqu’à deux mille bêtes par an.
La distribution des responsabilités parmi les frères est claire: certains s’occupent de l’achat et de l’expédition depuis diverses régions comme la Bretagne, le Cher ou la Mayenne; tandis que d’autres gèrent la réception et la vente aux foires dans le Jura, la Côte-d’Or, l’Ain et les Savoies. Imaginez la France d’avant, sillonnée par un réseau dense de plus de 60 000 kilomètres de voies ferrées (deux fois plus qu’aujourd’hui), desservant chaque ville et village. Chaque endroit était doté de ses propres cafés et hôtels équipés d’écuries.
Les directives sont envoyées par télégramme : « J’ai écoulé mon stock, il me faut un autre. » Les poulains, bien que délicats, sont empilés sans ménagement pour minimiser les dépenses. Si certains animaux n’arrivent pas vivants, ce n’est pas grave, puisque les survivants seront rapidement vendus, en lots de cinq ou dix. Cependant, les chevaux de travail qui sont déjà habitués à la charge de travail ont des conditions plus enviables : plus coûteux, ils reçoivent de la paille, de l’eau et les soins attentifs d’un employé. Néanmoins, pour les revendeurs, ils demeurent essentiellement des marchandises.
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