Tout semblerait en place, comme si rien n’avait été modifié. Bruno Vespa, figure emblématique de la télévision publique italienne pendant 62 de ses 80 ans, reste le monarque incontesté de son plateau. À sa gauche, il accueille des invités de la droite politique. À sa droite, des hôtes du centre et de la gauche.
« Porta a Porta » (« porte à porte »), une émission emblématique de RAI (Radiotelevisione italiana), attire plus de 400 000 téléspectateurs chaque soir de diffusion (du mardi au jeudi) et est perçu depuis 1996 comme la « troisième chambre du Parlement ». La victoire de Giorgia Meloni, leader de l’extrême droite et présidente du conseil, dans les élections européennes du 9 juin est au cœur des discussions.
Vespa, avec son visage bien connu en Italie, ses pommettes proéminentes et sa bouche toujours expressive qu’il arbore pour sourire ou montrer son désaccord, a une vaste connexion avec les hauts responsables. Rien qu’un appel téléphonique ne le sépare de n’importe quel ministre, célébrité du divertissement, entrepreneur ou cardinal dans le paysage politique complexe de Rome.
Il a su coopérer avec le gouvernement en place, tout comme il l’a fait avec ses prédécesseurs, alors que d’autres figures du secteur ont choisi de se retirer face aux nombreuses accusations d’avoir laissé l’extrême droite s’emparer de la RAI. Le champ de bataille est dressé.
Après environ quarante minutes de tournage sur le plateau, la discussion se tourne vers la dissolution de l’Assemblée nationale française. Un screenshot du site Le Monde est exposé en toile de fond. Bruno Vespa, saisissant l’occasion, modifie le sujet de conversation. « Nous avons la présence d’un de nos collègues du Monde ce soir. Il est venu observer la RAI sous l’ère Meloni, suite à des bruits perturbants. Nous avons tenté de le rassurer car nous ne percevons aucune censure. Et toi, qualifierais-tu le gouvernement d’autoritaire ? », demande-t-il, avec sarcasme, à Giovanni Donzelli, un diplomate et membre principal du parti Fratelli d’Italia dirigé par Giorgia Meloni. Donzelli réagit en rejetant l’idée de censure et attribue ces soupçons à un parti opposé qui se complait à « dénigrer l’Italie à l’étranger ». Chiara Braga du Parti démocrate, met en reliéf l’annulation du discours de l’écrivain Antonio Scurati par la RAI, où il critiquait Giorgia Meloni pour son refus de se proclamer antifasciste. Bruno Vespa reprend la parole, évoquant qu’une réplique aurait dû lui être présentée par un intellectuel de droite. Braga lui questionne sur le fait que l’antifascisme soit donc une caractéristique exclusive de la gauche. Déterminé, il affirme que ce n’est en fait qu’une attaque de l’écrivain contre Giorgia Meloni, tout en se cachant derrière l’appel au catéchisme républicain. Le débat s’intensifie. Giovanni Donzelli est donné le mot final pour critiquer son opposant en assumant qu’il a « la prétention de distribuer des certificats de démocratie ». Le reste de cet article, soit 89.04%, est strictement réservé aux abonnés.
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