Ce direct a été dynamisé par la participation de Minh Dréan, Pierre Bouvier, Cécile Bouanchaud, Jean-Philippe Lefief, Anna Villechenon, Glenn Cloarec et Agnès Gautheron. Vous pouvez lire toutes nos actualités, analyses et reportages sur le conflit ukrainien. Le « Monde » vous offre des articles détaillés, des analyses percutantes et des reportages éclaircissants. À Lviv, nous avons accompagné des recruteurs de l’armée ukrainienne. Nous avons observé une atmosphère saisissante de tension croissante où chaque rue se vide progressivement lors de notre passage. Les Ukrainiens semblent réaliser, malgré leur épuisement, que they’ve entered a marathon of warfare that promises to be prolonged. La Cour pénale internationale poursuit l’ancien ministre russe de la Défense et le chef d’état-major. Surprenament, le conflit en Ukraine est absent du débat des élections législatives prévues pour 2024. Au même temps, la restructuration de la dette de l’Ukraine s’annonce comme un défit inédit.
Nous fournissons également des réponses à vos questions les plus courantes. Comment Moscou et Kiev utilisent-ils des drones ? Depuis quelques mois, une guerre de drones de grande échelle oppose les deux nations. Un rapport publié en mai 2023 par un groupe de réflexion britannique spécialisé en défense indique que l’Ukraine perd environ 10 000 drones chaque mois sur le terrain de bataille, soit plus de 300 par jour. À titre comparatif, l’armée française ne dispose que d’un peu plus de 3 000 drones dans ses stocks. Les forces ukrainiennes et russes emploient principalement des petits véhicules aériens sans pilote (UAV) d’origine civile, peu coûteux et disponibles en abondance. Ces outils sont utilisés pour observer l’action sur le terrain de bataille, diriger les troupes ou ajuster les tirs d’artillerie. Certains sont même improvisés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Outre leurs faibles effectifs, les drones kamikazes jouent également un rôle crucial. Équipés d’explosifs, ces UAV sont utilisés dans les conflits sans avoir une mission prédéfinie. Les Russes utilisent des drones locaux Lancet-3 ainsi que des Shahed 136 iraniens. L’Ukraine, qui ne possède pas une marine de guerre puissante, défie l’ennemi en utilisant des engins maritimes sans équipage, essentiellement de petits kayaks contrôlés à distance et équipés de TNT (450 kg).
Témoignage de leur importance stratégique, les forces ukrainiennes et russes ont mis en place des moyens pour soutenir leurs troupes sur le long terme, notamment en achetant des drones civils en grande quantité et en développant leur propre production. Initialement moribonde au début de la guerre du Donbass commencée il y a une décennie, l’industrie ukrainienne s’est depuis musclée. Le ministre ukrainien de la transformation numérique a récemment dévoilé qu’une réplique du drone russe Lancet avait été réalisée et serait prochainement introduite sous le nom de Peroun, dieu slave du tonnerre et de la foudre.
En raison des sanctions occidentales qui entravent ses capacités d’approvisionnement en composants électroniques, la Russie est passablement en difficulté. Cependant, d’après les agences de renseignements américaines, Moscou aurait le projet de monter une usine de fabrication de drones kamikazes dans la zone économique d’Alabouga, probablement afin de produire des Shahed-136 de conception iranienne.
Quant au stock de missiles russes, leur état actuel est complexe à déterminer, voire totalement inconnu. Les services de renseignement ukrainiens publient des informations à ce sujet mais leurs données doivent être prises avec précaution.
D’après les propos d’Andri Ioussov, représentant du GUR (direction générale du renseignement du ministère de la défense), qui ont été rapportés par Liga.net, l’armée russe possédait environ 2300 missiles balistiques ou de croisière avant la guerre, et elle en avait toujours plus de 900 au début de l’année. De plus, Ioussov souligne que des dizaines de milliers de missiles anti-aériens S-300, avec une portée approximative de 120 kilomètres, et une grande réserve de S-400, une variante plus récente avec une portée triplée, doivent aussi être comptabilisés. Vadym Skibitsky, le deuxième en commandement du GUR, a estimé en août que le nombre de missiles dépassant une portée de 500 kilomètres était de 585.
En ce qui concerne la capacité de production, on estime qu’elle a augmenté pour atteindre environ une centaine de missiles balistiques ou de croisière par mois, d’après divers experts. Le GUR avait évalué cette production à 115 unités en octobre.
La Russie aurait également acheté des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait à le faire. Selon l’agence Reuters, qui fait référence à plusieurs sources iraniennes, 400 missiles iraniens du type Fateh-110 (portée de 300 à 700 kilomètres) auraient été livrés à partir de janvier, période qui coïncide avec la conclusion d’un accord. On ne sait pas exactement combien de missiles nord-coréens la Russie a acquis, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Selon les experts qui ont analysé les débris et les trajectoires, il s’agirait très probablement des modèles KN-23 et KN-24, d’une portée avoisinant les 400 kilomètres.
Que dire des avions de combat F-16 ?
En réponse à une requête de longue date du président ukrainien, les États-Unis ont consenti, en août 2023, à transférer des avions de chasse F-16 à l’Ukraine. Bien qu’il y ait plus de 300 F-16 répartis dans neuf pays européens, y compris la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal, tous ces pays ne sont pas en mesure de les céder immédiatement.
Volodymyr Zelensky avait mentionné que 42 F-16 avaient été promis par les alliés occidentaux à Kiev, mais cela n’a pas été vérifié. Le Danemark s’est engagé à fournir 19 d’entre eux. Les six premiers ne seront pas livrés avant la fin de 2023, huit autres en 2024 et cinq en 2025, selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également fait une promesse, possèdent 42 unités, mais n’ont pas indiqué combien ils prévoient de céder.
En outre, les pilotes ukrainiens doivent être formés pour piloter ces avions de chasse américains. Onze pays alliés de Kiev se sont engagés à former les pilotes ukrainiens. Selon l’OTAN, les soldats ukrainiens ne seront pas prêts à piloter les avions en situation de combat avant le début de 2024, tandis que d’autres experts estiment que cela ne se produira pas avant l’été 2024.
Quel est le soutien militaire exact que ses alliés apportent à Kiev ?
Deux ans après l’escalade du conflit, le soutien occidental à Kiev semble perdre du terrain: les assistances récemment accordées ont diminué entre août 2023 et janvier 2024 par rapport à la même période de l’année précédente, selon le dernier rapport de l’Institut Kiel, publié en février 2024. Cette tendance pourrait s’accélérer, avec le Sénat américain rencontrant des obstacles à l’approbation de nouveaux secours, et l’Union européenne (UE) ayant du mal à faire adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024, à cause de l’opposition hongroise. Ces deux derniers paquets d’aide n’ont pas été inclus dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui s’arrête en janvier 2024.
Les information de l’institut allemand indiquent que le cercle des donateurs se referme davantage et gravite autour d’un noyau de pays: les États-Unis, l’Allemagne, les pays du nord et de l’est de l’Europe, qui promettent tous une assistance financière importante et des équipements militaires avancés. En tout, depuis février 2022, les pays soutenant Kiev se sont engagés à fournir au moins 276 milliards d’euros en aide militaire, financière ou humanitaire.
En termes absolus, les pays les plus fortunés ont été les plus généreux. Les États-Unis sont de loin les premiers donateurs, avec plus de 75 milliards d’euros d’aide annoncés, dont 46,3 milliards en assistance militaire. Les pays de l’Union européenne ont annoncé à la fois des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides communes provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.
Quand on analyse la contribution d’aide en fonction du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, la hiérarchie se modifie sensiblement. Les États-Unis, par exemple, se trouvent désormais à la vingtième position, une part de 0,32% de leur PIB. Ils sont alors surpassés par de nombreux pays situés à proximité de l’Ukraine ou anciennement sous le régime soviétique. En tête du classement, on trouve l’Estonie qui alloue 3,55% de son PIB à l’aide internationale. Le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%) suivent respectivement en deuxième et troisième place. La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) complètent le top cinq. Les trois pays baltes, partageant tous des frontières avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, figurent parmi les plus grands donateurs depuis le début du conflit.
En comparant le pourcentage du PIB, la France se positionne en vingt-septième place avec un engagement de 0,07% de son PIB, positionnée ainsi juste derrière la Grèce (0,09%). Le soutien de la France est en baisse continue depuis le début de l’intrusion russe en Ukraine – elle était vingtième-quatrième en avril 2023 et treizième durant l’été 2022.
Que savons-nous des frictions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne?
La Pologne et l’Ukraine connaisent des frictions sévères depuis plusieurs mois, principalement dues au transit de céréales ukrainiennes. Au début de l’année 2022, l’Union européenne avait lancé des ‘corridors de solidarité’ pour aider l’évacuation et la commercialisation des produits agricoles ukrainiens, libres de taxes, vers l’Afrique et le Moyen-Orient. Néanmoins, depuis le commencement du conflit, presque la moitié des céréales d’Ukraine ont été routées, ou ont fini leur voyage, dans l’UE, selon la Fondation Farm, un groupe de réflexion sur les problèmes agricoles mondiaux. Ces céréales sont généralement vendues à un prix considérablement plus bas que le blé de l’UE, particulièrement dans les pays de l’Europe centrale.
Déraisonnant que ces céréales perturbent leur marché local et menacent les revenus de leurs fermiers, des pays tels que la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont pris la décision d’inhiber leurs importations en avril 2023. Bruxelles avait accepté cette prohibition, mais à la condition que celle-ci n’interfère pas avec le transit vers d’autres pays et qu’elle n’existe que pendant quatre mois. Cependant, après un été de blocage, Varsovie a refusé de réouvrir ses frontières aux céréales d’Ukraine, estimant que le problème fondamental n’avait pas été résolu, malgré que Bruxelles avançait que l’embargo n’était plus nécessaire car leurs études révélaient « qu’il n’y avait plus de distorsion des marchés nationaux pour les céréales ».
Les agriculteurs de Pologne sont engagés dans une protestation à la frontière polono-ukrainienne, empêchant les poids lourds d’Ukraine d’accéder au territoire national. Le motif de leur opposition est une demande d’un « embargo total » sur les marchandises agricoles et alimentaires en provenance d’Ukraine. Ils argumentent en soulignant l’augmentation astronomique de leurs frais de production alors que leurs silos et dépôts sont surchargés et que les valeurs marchandes sont à leur plus bas niveau. Le Chef d’état ukrainien observait au commencement de 2024, que ce blocus à la frontière polonaise était un signe de « la dégradation de la solidarité » vis-à-vis de son nation et a demandé des discussions avec la Pologne. « Seule Moscou se satisfait » de ces frictions, a-t-il également déclaré, critiquant « l’émergence de devises franchement pro-Poutine ».
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