Il n’est pas courant de voir les deux principaux magistrats de l’ordre judiciaire endosser le rôle de lanceurs d’alerte. Dans le rapport annuel du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), les deux présidents, Christophe Soulard (Premier président de la Cour de cassation) et Rémy Heitz (Procureur général près cette même cour) ont exprimé l’importance de « préserver l’Etat de droit ».
Le document de trois pages n’a cependant aucun lien avec le paysage politique récent, marqué par la victoire de l’extrême droite aux élections européennes du 9 juin et par sa troisième place aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. « Cette décision remonte à un an », a affirmé M. Soulard lors d’une conférence de presse sur la présentation du rapport le mardi 9 juillet. « Ces dernières années, l’Etat de droit a été remis en question dans plusieurs pays. Nous souhaitons protéger l’indépendance de la justice pour le bien des justiciables », a-t-il ajouté.
Le document du CSM met en lumière les attaques perpétrées par une partie du monde politique contre le prétendu « gouvernement des juges », qui serait en contradiction avec la volonté du peuple. « Le CSM, en tant que garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, est grandement préoccupé par l’escalade et la récurrence de ces attaques et la résonance qu’elles ont auprès du public. Le droit et la justice seraient-ils devenus les adversaires de la démocratie? », s’interroge le texte. Il exprime ensuite des inquiétudes concernant les exemples étrangers – non nommés – de régimes illibéraux et leurs « ingénieuses stratégies pour reprendre le contrôle de leur système judiciaire, en commençant par leurs cours suprêmes et leurs tribunaux ».
Concernant les nominations au ministère public…
Récemment, Rémy Heitz, après sa première année avec le CSM, a souligné la nécessité d’une réforme du statut du parquet, qui a été jusqu’à maintenant négligé. « Nous ne devrions pas regretter de ne pas l’avoir mise en œuvre », a-t-il déclaré en résumé. M. Heitz a plusieurs fois attiré l’attention sur cette question, d’abord en octobre 2023 dans un article du Monde et puis lors de la session inaugurale de la Cour de cassation début janvier.
Bien qu’elle soit perçue comme technique, cette réforme réclamée par tous les professionnels du domaine juridique est fondamentale. Elle vise à faire respecter l’avis du CSM lors des nominations au parquet et à aligner le régime disciplinaire sur celui du siège. Cependant, la décision exécutive de suivre ou non les opinions du CSM sur les nominations de procureurs reste discrétionnaire, car ces avis sont purement consultatifs. La même chose s’applique aux questions disciplinaires, où les « avis » du CSM ne sont pas contraignants, contrairement aux « décisions » pour le siège.
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