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9 juillet 2024 16 h 09 min

« Réunion d’urgence ONU après frappe Kiev »

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Dans cette émission en direct, Jean-Philippe Lefief, Anna Villechenon, Glenn Cloarec et Pierre Bouvier étaient parmi les présentateurs. Une série d’articles, d’analyses et de reportages sur la guerre en Ukraine est disponible pour lecture. Le « Monde » offre des décryptages, des analyses et des reportages.

Des agents de recrutement pour l’armée ukrainienne opèrent à Lviv, laissant les rues désertes à leur passage. Les Ukrainiens sont arrivés à la réalisation que la guerre sera un marathon, non pas un sprint, compte tenu de son apparente durée. Des accusations ont été portées par la Cour pénale internationale contre l’ancien ministre russe de la défense et le chef d’état-major.

La guerre en Ukraine n’a pas été un sujet majeur lors des élections législatives de 2024. La restructuration de la dette ukrainienne s’avère être un processus délicat. Nous apportons des réponses à vos questions les plus courantes.

Comment les drones sont-ils utilisés par Moscou et Kiev? Ces derniers mois, une guerre de drones d’une ampleur sans précédent a éclaté entre la Russie et l’Ukraine. Selon un rapport publié en mai 2023 par un think tank britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens perdaient à peu près 10 000 drones chaque mois, soit plus de 300 par jour – un total qui dépasse de loin les quelque 3000 drones à la disposition de l’armée française.

Les drones utilisés majoritairement par les russes et les ukrainiens sont des petits UAV (Unmanned Aerial Vehicle en anglais) originellement destinés à un usage civil, qui sont économiques et disponibles en grandes quantités. Ils sont essentiels pour l’observation du champ de bataille et pour aiguiller les troupes ou les tirs d’artillerie. Certains sont même modifiés afin de pouvoir transporter de petites charges explosives qui sont larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.

Les drones-kamikazes, bien que moins courants, sont une partie essentielle du champ de bataille. Ces Véhicules Aériens Non Habitée (UAV), équipés d’explosifs, sont déployés sur la ligne de front sans cible précise. La Russie utilise des Lancet-3 russes et des Shahed-136 iraniens. L’Ukraine, n’ayant pas de flotte navale impressionnante, répond avec des véhicules maritimes non tripulés – des kayaks miniatures télécommandés bourrés d’explosifs (450 kilos de TNT).
La place centrale des drones dans leurs opérations a incité les ukrainiens et les russes à planifier leur approvisionnement à long terme. Ils ont fait cela non seulement en achetant massivement des drones civils sur le marché, mais aussi en développant leur propre capacité de production. L’industrie nationale ukrainienne, qui peinait au début de la guerre du Donbass qui a commencé il y a dix ans, s’est depuis renforcée. En fin d’août, le ministre ukrainien de la transformation numérique a annoncé qu’une réplique du drone russe Lancet avait été développée et serait bientôt déployée sous le nom de Peroun, le dieu slave de la foudre et du tonnerre.
La Russie, de son côté, est confrontée à des difficultés due aux sanctions de l’Occident, qui limitent son approvisionnement en composants électroniques. Selon les services de renseignement américains, la Russie aurait néanmoins commencé à construire une usine dans la zone économique spécialisée d’Alabouga pour fabriquer des drones-kamikazes iraniens, à l’image des Shahed-136.
En ce qui concerne le nombre de missiles russes, leur quantité exacte est extrêmement difficile, sinon impossible, à déterminer. Les services de renseignement ukrainiens donnent régulièrement des informations à ce sujet, mais leur précision est discutable.

Andri Ioussov, le porte-parole de la direction générale du renseignement du ministère de la défense (GUR), a informé Liga.net que l’arsenal militaire russe contenait, avant le conflit, environ 2 300 missiles balistiques ou de croisière. En début d’année, il en restait plus de 900. En plus de cela, selon Ioussov, l’armée dispose de dizaines de milliers de missiles antiaériens S-300, avec une portée jusqu’à 120 kilomètres, ainsi qu’une quantité considérable de S-400, une version plus moderne avec une portée trois fois plus grande. En août, Vadym Skibitsky, le deuxième homme en charge du GUR, indiquait que 585 missiles avaient une portée supérieure à 500 kilomètres.

Concernant la production militaire de la Russie, les experts pensent qu’environ une centaine de missiles balistiques ou de croisière sont produits chaque mois. En octobre, cette production était estimée par le GUR à 115 unités par mois.

D’autre part, la Russie aurait acheté des missiles courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait d’en commander. Selon Reuters, citant des sources iraniennes, 400 missiles iraniens Fateh-110 (300 à 700 kilomètres de portée) auraient été livrés depuis janvier, date à laquelle un accord aurait été trouvé. L’exact nombre de missiles achetés en Corée du Nord demeure inconnu mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, a noté le procureur général, Andriy Kostin. D’après les experts ayant testé les restes et les trajectoires, il est probable qu’il s’agissait des modèles KN-23 et KN-24, ayant une portée autour de 400 kilomètres.

Quant aux avions de chasse F-16, que deviennent-ils ?

En août 2023, les États-Unis ont accédé à une demande de longue date du président ukrainien pour le transfert de F-16. Plus de 300 de ces avions sont présents dans neuf pays européens, notamment la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. Cependant, tous les pays qui en possèdent ne peuvent pas les céder immédiatement.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a mentionné le chiffre de 42 F-16 promis par les alliés occidentaux à Kiev, mais ce chiffre n’a pas été confirmé. Le Danemark a promis d’en donner 19, dont les six premiers ne seront pas livrés avant la fin de 2023, suivis de huit autres en 2024 et cinq en 2025, selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Les Pays-Bas, qui ont également promis des F-16, ont 42 unités en leur possession, mais n’ont pas spécifié combien ils envisagent d’en céder.

Les pilotes ukrainiens doivent également être formés pour piloter ces avions de combat américains. Pour cela, onze pays alliés de Kiev se sont engagés à prendre en charge leur formation. Selon l’OTAN, ils ne seront pas prêts à utiliser ces avions en combat avant début 2024, bien que d’autres experts prévoient l’été de cette même année.

Le texte pose également la question du soutien militaire que les alliés de l’Ukraine fournissent à Kiev.

Deux ans après l’éclatement du conflit à grande échelle, l’appui de l’Occident à Kiev semble s’amenuiser. Les données du rapport récent de l’Institut Kiel, publié en février 2024, montrent une réduction des contributions d’août 2023 à janvier 2024 par rapport à la même période de l’année passée. Il faut noter que cette tendance pourrait se prolonger avec le Sénat américain rencontrant des difficultés pour approuver de nouvelles aides, et l’Union européenne trébuchant pour l’adoption d’un soutien de 50 milliards le 1er février 2024, notamment à cause de l’opposition de la Hongrie. Ces nouveaux fonds d’aide ne sont pas inclus dans le dernier relevé de l’Institut Kiel qui se termine en janvier 2024.

Le rapport de l’institut allemand indique une réduction du nombre de donneurs, qui se consolide autour d’un groupe de pays, à savoir les États-Unis, l’Allemagne et les pays du nord et de l’est de l’Europe. Ces derniers promettent une considérable aide financière et un armement de haute technologie. Depuis février 2022, les pays qui appuient Kiev se sont engagés pour un total d’au moins 276 milliards d’euros sur les plans militaire, financier et humanitaire.

En valeur brute, les pays les plus prospères sont les plus généreux. Les États-Unis sont les plus grands contributeurs, avec plus de 75 milliards d’euros d’aide annoncés, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont annoncé des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides communes provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.

Lorsque l’on considère ces contributions par rapport au produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, la liste des leaders change. Les États-Unis tombent au vingtième position (contribution de 0,32% de leur PIB), dépassés par des pays voisins de l’Ukraine ou d’anciennes républiques alliées soviétiques. L’Estonie devient le grand leader avec un remarquable 3,55% de son PIB en aides, suivie du Danemark (2,41%) et de la Norvège (1,72%). La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) occupent les quatrième et cinquième places. Les trois pays baltes, qui partagent tous des frontières avec la Russie ou son alliée la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le démarrage du conflit.

En ce qui concerne le pourcentage de PIB, la France se place en vingt-septième position, ayant consacré 0,07% de son PIB aux aides, juste après la Grèce (0,09%). L’assistance de Paris a connu une baisse continue depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie – la France se situant vingt-quatrième en avril 2023, et treizième en été 2022.

Qu’en est-il des tensions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne?

Depuis quelque temps, la tension règle entre la Pologne et l’Ukraine, principalement en raison du transit des grains ukrainiens. Au cours du printemps 2022, l’Union européenne avait instauré des « corridors de solidarité » afin de faciliter l’exportation et la commercialisation de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient sans implication de taxes douanières. Néanmoins, environ la moitié des grains ukrainiens sont transportés ou terminent leur route au sein de l’Union européenne, comparativement à un prix nettement inférieur à celui du blé produit au sein de l’UE, surtout dans les pays de l’Europe centrale, selon la Fondation Farm, un cercle de réflexion sur les questions agricoles mondiales.
Arguant une perturbation du marché local et une baisse des revenus pour leurs fermiers, la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont bloqué leurs importations en avril 2023. Brussels a accepté cette décision, à condition que cela n’entrave pas le transit vers d’autres pays et qu’il ne s’étende que sur une durée de quatre mois. Toutefois, Varsovie a choisi de ne pas ouvrir de nouveau sa frontière aux grains ukrainiens à la fin de l’été, en dépit du point de vue de Bruxelles selon lequel l’embargo ne devrait plus exister car leurs analyses ont révélé qu’il n’y avait plus de déformation des marchés nationaux pour les grains.

Les agriculteurs de Pologne ont mis en place une barricade à la frontière avec l’Ukraine afin de stopper l’entrée des camions ukrainiens sur leur sol national. La raison de cette protestation est l’exigence d’un « embargo total » sur les produits agricoles et alimentaires venant d’Ukraine. Ils soulignent l’augmentation importante de leurs frais de production pendant que leurs silos et leurs dépôts sont débordants et les prix sont au plus bas niveau. Le dirigeant ukrainien a exprimé au début de 2024 que le blocage de la frontière polonaise est le signe de « l’affaiblissement de la solidarité » envers son pays et a demandé à avoir une discussion avec la Pologne. « Seule Moscou se satisfait » de ces dissensions, a-t-il déclaré, condamnant « l’émergence de slogans clairement en faveur de Poutine ».