Mardi 9 juillet, la fusée Ariane-6 a lancé sa première mission depuis Kourou en Guyane, marquant un tournant dans l’accessibilité autonome de l’Europe à l’espace, rapporte l’Agence France-Presse (AFP). Un léger problème technique a retardé le décollage d’une heure, mais à 16 heures (heure de Paris), la fusée de 56 mètres a déclenché ses deux propulseurs auxiliaires et le moteur principal Vulcain, entreprenant un vol de presque trois heures sous un ciel dégagé.
Dans la salle de contrôle Jupiter, située à 17 kilomètres du site de lancement, les opérateurs restaient calmes malgré l’anticipation. Le directeur des opérations, Raymond Boyce, a annoncé que la propulsion et la trajectoire étaient conformes aux attentes, et les applaudissements ont retenti lorsque le dernier étage de la fusée s’est allumé.
La mission, orchestrée par l’Agence spatiale européenne (ESA), comportait « un element de risque », malgré les nombreux tests au sol et simulations effectués en amont, note Philippe Baptiste, le chef du CNES, l’agence spatiale française. Cependant, lui et l’équipe du vol se montraient optimistes.
Historiquement, près de la moitié des premiers lancements de fusées à travers le monde se sont soldés par un échec. On se souvient par exemple du premier lancement raté de l’Ariane-5 en 1996, malgré un bilan positif de 115 succès sur 117 tentatives. Pour cette raison, la fusée Ariane-6 ne transportait pas de satellites commerciaux pour ce premier voyage, mais seulement quinze microsatellites fournis par diverses universités et à des fins d’investigation variées.
Le vol comprend aussi deux capsules de rentrée atmosphérique conçues par The Exploration Company et Arianegroup, une entreprise franco-allemande. Ces capsules seront lâchées au terme de la mission pour préparer le véhicule de transport spatial que l’ESA projette d’acquérir.
Ariane-6, dont la construction a démarré en 2014, a la capacité de lancer des satellites en orbite géostationnaire à 36 000 kilomètres d’altitude, à l’instar d’Ariane-5, ou de placer des constellations en orbite à plusieurs centaines de kilomètres de la Terre. La fusée est équipée du moteur Vinci qui peut être rallumé, une innovation majeure pour le véhicule de lancement.
Tout au long du vol, le moteur Vinci sera allumé trois fois. D’abord pour onze minutes, puis une deuxième fois pour vingt-deux secondes, afin de positionner l’étage supérieur où les « cubesats » seront déployés, une heure et six minutes après le décollage.
Toni Tolker-Nielsen, le directeur de transport spatial à l’ESA, a souligné qu’un lancement est jugé réussi lorsque les satellites sont correctement placés en orbite. Cependant, la réussite totale est assurée si l’étage supérieur n’est pas laissé en orbite comme un débris : le dernier allumage du Vinci doit permettre son retour dans l’atmosphère, où il devrait retomber près du point Nemo dans le Pacifique, le lieu le plus éloigné de toute terre.
Ce vol d’Ariane-6 est capital pour l’Europe si elle veut tenir tête à SpaceX, la compagnie américaine qui lance ses fusées recyclables Falcon-9 près de deux fois par semaine.
Depuis l’arrêt des vols d’Ariane-5 il y a un an, les Européens n’ont plus été capables de lancer leurs propres satellites en orbite. En raison de l’agression en Ukraine, l’accès à la navette russe Soyouz, qui a été utilisée en Guyane pendant une décennie, a été interdit. Suite à une catastrophe, la fusée Vega-C est immobilisée depuis la fin de 2022.
Après son prochain vol, une période de plusieurs mois sera requise pour examiner toutes les informations fournies par les nombreux détecteurs du vaisseau spatial avant le premier lancement commercial qui devrait avoir lieu à la fin de l’année, avec le satellite français CSO-3 de surveillance militaire probablement à bord. Le directeur général de l’ESA, Joseph Aschbacher, a exprimé sa satisfaction, en affirmant qu’il s’agit d’une étape vitale dans le rétablissement de l’accès indépendant à l’espace pour l’Europe. Tony Tolker-Nielsen a indiqué que le véritable enjeu consiste maintenant à augmenter la fréquence des vols, avec six prévus pour 2025 et huit pour l’année suivante.
Avec 29 vols déjà réservés, Ariane-6 connaît un succès retentissant, comme l’a récemment souligné le PDG d’Arianespace, Stéphane Israël. Il a ajouté que c’est absolument sans précédent pour un vaisseau spatial qui n’a pas encore volé. Toutefois, le programme a récemment essuyé un grave revers: fin juin, Eumetsat, l’opérateur des satellites météorologiques européens, a abandonné le lancement prévu de son satellite MTG-S1 sur Ariane-6 en faveur de SpaceX, citant des « circonstances exceptionnelles » non spécifiées. Le directeur de l’ESA, Joseph Aschbacher, a trouvé cette décision difficile à comprendre, compte tenu du fait qu’Eumetsat est un organisme gouverné par trente pays européens.
Le chef du CNES, Philippe Baptiste, condamne ce qui, selon lui, représente une rupture du principe de préférence européenne. Il en appelle à la prise de mesures adaptées pour garantir que tous les satellites institutionnels européens soient mis en orbite grâce à des lanceurs européens, qu’ils soient grands ou petits.
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