La perspective la plus désastreuse n’est pas inévitable. Elle a diminué de manière conséquente le dimanche 7 juillet, alors qu’une majorité claire, voire totale, du Rassemblement national (RN) semblait se limiter à 143 députés, en incluant les alliés venus des Républicains. Suite à leur victoire aux élections européennes et leur popularité lors du premier tour des élections législatives, cette tendance à la baisse, d’une rudesse inédite entre les deux dimanches d’une élection de la Ve République, ne peut seulement être attribuée au fonctionnement adéquat du front républicain, des cessions de place entre candidats aux transferts de votes de citoyens fortement engagés.
Cette situation est également le résultat de la unique « clarification » issue de la dissolution irresponsable de l’Assemblée nationale décidée par Emmanuel Macron. Oui, le RN reste fermement un parti d’extrême droite, dont l’idéologie est teintée de xénophobie. Le déguisement, utilisé tout au long des années de « normalisation », s’est effiloché de tous cotés pendant cette campagne, révélant de nombreux candidats antisémites, racistes ou homophobes, en aucune manière prêts pour le rôle qu’ils convoitaient. Un programme qui continue à se concentrer sur la discrimination, la stigmatisation et le rejet de groupes entiers de la société a également été mis à nu.
Ces dernières années, de nouveaux électeurs, plus matures ou faisant partie de la classe dirigeante, se sont laissés tromper par ces trompe-l’œil. Ils ont fini par croire qu’ils pouvaient faire confiance à l’apparence agréable de Jordan Bardella, le porte-parole du clan Le Pen. Dimanche, une majorité française a clairement repoussé cette politique destructrice en votant contre plus de 9 millions de citoyens qui ont voté pour le RN. Mais ce chiffre, à lui seul, ne permet que d’éprouver un bref soulagement.
Le parti d’extrême droite continue de séduire une large portion du pays, en sécurisant de nombreux sièges qui favoriseront son financement et lui garantiront probablement le groupe le plus important de la nouvelle Assemblée nationale. Cela lui permettra de renforcer son réseau sur le terrain, l’un des aspects les plus performants de sa stratégie de reconnaissance. Il se maintiendra surtout dans le confort de l’opposition, où la quête d’une majorité relative pourrait être pénible.
En revanche, suite à sa dissolution, la politique délétère dont les dangers ont été contenus par le jugement responsable des votants, le Président n’a réussi qu’à réduire sa propre majorité de près de 100 sièges. La coalition présidentielle, déstabilisée par la force des assertions de certains de ses leaders, notamment Edouard Philippe, est surpassée par le Nouveau Front populaire. Avec ses 182 députés, l’alliance des partis de gauche reste largement en dehors de la majorité absolue, mais elle est la mieux positionnée pour chercher des solutions pour succéder à Gabriel Attal à Matignon.
Dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon a démontré une fois de plus son talent : parler d’une manière puissante et mener la conversation. Alors que la position de force de son parti, La France insoumise (LFI), a diminué par rapport à l’époque de la Nupes, Mélenchon a donné l’impression d’être d’autant plus inflexible dans l’application d’un programme établi en trois jours. Le Parti socialiste a fait un bond en avant, obtenant 59 sièges. Avec l’aide des écologistes, des communistes et de ceux qui ont été exclus ou qui ont quitté LFI, dont presque tous ont été réélus dimanche dernier, ils peuvent contribuer à promouvoir une nouvelle façon de convaincre et d’agir. Cela contraste avec la politique hostile pratiquée par le LFI, qui a hué les discussions et les délibérations collectives pendant deux ans.
La nouvelle Assemblée et la majorité à former peuvent établir les bases d’une nouvelle politique, plus sereine mais tout aussi déterminée. Il ne faut pas laisser l’extrême droite monopoliser l’écoute et la proximité avec ceux qui se sentent délaissés. Il faut s’efforcer de délier l’obsession de l’immigration de chaque sujet qui alimente le vote RN, comme l’accès aux soins de santé, à l’éducation et aux services publics, la recherche d’équité dans la transition climatique, la réduction des inégalités, le démantèlement des ghettos urbains et la lutte contre le fléau du trafic de drogues, qui est une véritable source d’insécurité.
Face au conservatisme nostalgique d’une France qui pense pouvoir retourner dans le passé, l’objectif serait de redonner de l’éclat à un terme qu’Emmanuel Macron avait revendiqué lors de sa première campagne présidentielle réussie, mais qu’il n’a jamais mis en pratique : le progressisme.
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