Suite à la révélation d’une lettre de la Banque mondiale dans les médias gabonais, le gouvernement de transition de Libreville est sous tension. Cette correspondance, datée du premier juillet, informe le gouvernement que le Gabon fait face à une suspension des versements de la Banque mondiale en raison de non-paiements en attente. La Banque a exprimé son mécontentement quant à l’exposition médiatique de ce courrier, tout en promettant que la situation est sur le point d’être résolue.
Le ministre gabonais des Finances rassure qu’il a déjà réglé ces dettes le 3 juillet. Cependant, malgré ces garanties, l’inquiétude subsiste concernant la stabilité financière du régime transitoire dirigé par le général Brice Clotaire Oligui Nguema, qui a pris le pouvoir suite à un coup d’État contre Ali Bongo Ondimba en août 2023.
Cette anxiété est renforcée par la décision de Moody’s – une agence de notation financière – qui, en juin, a dégradé la note du Gabon de Caa1 à Caa2, soit à deux niveaux de la note la plus basse possible. Cette décision est justifiée par quote: une situation budgétaire plus faible qu’initialement prévu, » ce qui atténue la confiance des investisseurs étrangers. En outre, l’indice de confiance du FMI est également pessimiste.
Les chiffres de septembre 2023 à mai 2024, récupérés par Le Monde auprès du Ministère des Comptes Publics, indiquent un taux d’endettement de 54,68%. Cependant, le Fonds Monétaire International a une vision plus sombre, prévoyant une augmentation de la dette gabonaise de 73,1% à 78% du PNB entre 2024 et 2025.
Le manque de transparence et la corruption du précédent régime d’Ali Bongo Ondimba sont en grande partie responsables de cet écart, selon les officiels. Charles René Mba, le ministre des Comptes Publics, soutient que la Task Force a révélé un volume de dette plus important dès le début du coup d’État, qu’ils ont partagé en toute transparence.
Cependant, cet héritage ne justifie pas entièrement la situation actuelle. Depuis que l’armée a pris le pouvoir, l’endettement du pays continue d’augmenter, en particulier pour financer le plan national de développement pour la transition. De plus, le gouvernement a nationalisé des entreprises et a acquis des parts dans plusieurs grands groupes.
Après avoir obtenu 30% des actions de Ceca-Gadis, le leader de la distribution dans le pays, en janvier, il a officialisé l’achat d’Assala Energy, le deuxième plus grand producteur de pétrole national, en février. Il a ensuite racheté 30% des parts extérieures de la Société gabonaise d’entreposage des produits pétroliers (Sgepp) et fait son entrée dans le capital de la compagnie aérienne gabonaise Afrijet. Le déficit budgétaire continue de s’aggraver.
Le dernier rapport du FMI met en garde contre une augmentation prévue de la dette du Gabon. Fin 2022, le pays avait une dette de 7 131 milliards de francs CFA (moins de 10,9 milliards d’euros), qui devrait dépasser 8 000 milliards de francs CFA (environ 12,2 milliards d’euros) en 2024. Cela dépasse la limite de 70% du PIB fixée par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
Les autorités gabonaises justifient les dépenses par leur politique « Gabon first » et espèrent un retour sur investissement significatif. Cependant, la dette a un impact majeur sur les finances publiques. En 2022, le Gabon prévoit d’allouer près de 70 % de ses revenus au remboursement de la dette, laissant moins de ressources pour le développement.
Agou Gomez, représentant du FMI au Gabon, est préoccupé, mais reconnait que la situation économique et sociale difficile a été héritée par les nouvelles autorités.
Le FMI s’inquiète également de l’augmentation du déficit budgétaire, qui passera de 1,6% à 3,6% du PIB en l’espace d’une année, malgré une hausse des recettes fiscales et douanières. Néanmoins, le Gabon est félicité par les institutions financières internationales pour ses efforts dans le remboursement de ses dettes.
Même avec des retards de paiement, la Banque mondiale reste engagée à soutenir le Gabon pour la mise en œuvre des projets de son portefeuille. Par ailleurs, Moody’s reconnait l’engagement des autorités de transition à servir le peuple et considère le pays comme ayant une perspective stable.