Ce paragraphe est tiré de notre bulletin d’information hebdomadaire intitulé « Darons daronnes », consacré à la parentalité et expédié chaque mercredi à 18 heures. Pour vous y abonner gratuitement, veuillez suivre ce lien.
Lors de la célébration de la Fête de la musique, nous avons assisté à un concert de la professeure de violon de ma fille dans la cour d’une mairie d’un arrondissement de Paris. A notre arrivée dans ce magnifique endroit baigné de soleil, ma moitié et moi-même avons ressenti une certaine étrangeté : nous nous sentions déphasés par rapport à l’entourage. Principalement composé de personnes plus âgées que nous, l’audience nous donnait une sensation d’isolement qui ne se limitait pas seulement à la différence d’âge. Nous étions là, portant des sandales et de vieilles baskets, nos enfants vêtus de t-shirts tachés et les cheveux emmêlés (et infestés de poux, quoique cela était indétectable), perdus au milieu d’un public soigné et élégant, dont les enfants étaient parfaitement habillés et coiffés.
L’endroit où se tenait le concert n’était pas très éloigné de notre domicile, à quelques stations de métro seulement, mais c’est un arrondissement plus huppé que le nôtre, caractérisé par une composition sociologique différente. Ce quartier est plus riche que le nôtre, moins diversifié, et comporte moins de logements sociaux. Mon partenaire a fait remarquer que nous avions fini par atterrir «dans une autre sphère». Cette idée m’a rappelé le malaise que j’ai ressenti en consultant la carte de France des résultats des élections européennes, un malaise qui s’est transformé en une détresse absolue lors du premier tour des élections législatives anticipées le dimanche 30 juin. Une carte presque entièrement marron, représentant le Rassemblement national (RN), avec quelques zones où d’autres partis étaient en tête. Dans la ville de Paris et ses environs, il y avait des zones colorées en rose (Nouveau Front populaire), jaune (Ensemble), bleu (Les Républicains), mais pas de marron.
Le sentiment qui me hante sans cesse est le suivant : « Nous nous sommes détachés ». Nous, qui résidons à Paris et dans les grandes aires métropolitaines, avons atteint une divergence si significative avec le reste de la nation que nous ne semblons plus partager les mêmes réalités. Sommes-nous encore une nation unie ? Dimanche dernier, près de 10,7 millions d’individus ont voté pour le RN et ses partenaires, Les Républicains, représentant 33,2% des votes. À Paris, seulement 9,61% ont choisi l’extrême droite, soit moins de 100 000 personnes.
L’existence de cette bulle métropolitaine n’est plus remise en question. Le co-fondateur de Place publique, Raphaël Glucksmann, le constata en 2018 sur Arte : « Culturellement, je me sens plus à l’aise à New York ou à Berlin qu’en Picardie. Et c’est justement là que réside le problème. Il est nécessaire d’arriver à s’affranchir de soi-même. Il est tout à fait possible d’apprécier cette déconnexion de toute structure collective, mais elle nous empêche de former un peuple. Or, sans peuple, il n’y a pas de démocratie. »
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