En tant que prêtre catholique et citoyen, j’essaie de promouvoir un paradigme de respect et de collaboration entre les religions au lieu d’un raisonnement basé sur le conflit. Je suis un produit du concile Vatican II (1962-1965) qui a courageusement montré du respect pour d’autres croyances religieuses, sans tomber dans l’insouciance. Les évêques français ont déjà partagé leurs opinions, mais je crois qu’il est essentiel pour moi, et d’autres catholiques, d’ajouter notre voix au débat public et d’engager le dialogue, même avec ceux qui sont attirés par l’extrême droite.
Je prends ce risque car de nombreux musulmans parmi nous sont incertains s’ils peuvent toujours compter sur le respect d’un pays auquel ils contribuent à façonner l’avenir. Dans le climat électoral actuel, leurs préoccupations doivent être prises en compte.
« Les musulmans font aussi partie de la France »
En réalité, la magnificence métaphysique, littéraire et artistique des civilisations islamiques, qui a ébloui tant d’orientalistes, a laissé place dans nos esprits à un mépris et à des perspectives simplistes. L’islam est souvent présenté comme l’ennemi acharné d’une civilisation judéo-chrétienne qu’il a pourtant aidé à atteindre des sommets. Certes, ceux qui sont censés moderniser ses pratiques et doctrines le desservent parfois. Les islamistes profitent de la confusion et de la pauvreté pour manipuler les logiques binaires, favorisant ainsi la violence vindicative d’un millénarisme étroit, qui terrorise également les musulmans. Tout cela finit par susciter une peur que certains exploitent à des fins politiques.
Il ne s’agit pas ici de pointer du doigt ceux qui, suite à leur exprimé vote, ont révélé une variété de frustrations. Je ne souhaite pas débattre les raisons de voter pour le Rassemblement national. Elles sont multiples. Je souhaiterais simplement questionner notre tolérance face à des generalisations suspectes qui émanent d’affirmations racistes ou simplistes.
Je vais seulement faire une observation simple, qui commence à partir de l’anniversaire du débarquement allié que nous venons de célébrer – cela nous donne une vision des libérateurs de l’Europe dans leur diversité ethnique et religieuse. La France a eu la chance de compter sur des milliers d’hommes issus des cultures musulmanes de l’Afrique sub-saharienne et du Maghreb. Un grand nombre d’entre eux sont morts pour la France, tout comme leurs ancêtres en 14-18. Qu’ils reposent en paix. La Grande Mosquée de Paris est un mémorial honorable et un gardien de la mémoire des nombreux musulmans qui ont sauvé des juifs de la terreur nazie.
Cependant, je souhaite également, comme je l’ai fait dans mes vœux pour l’Aïd-al-Adha, prendre en compte mes compatriotes musulmans actuels. Ils sont binationaux ou pas, pratiquants ou non, mariés à un conjoint musulman ou pas; ils sont réfugiés, pauvres ou riches, peu ou très qualifiés, avec un sens civique profond ou insuffisant, clairs avec l’islamisme ou pas suffisamment, honnêtes ou délinquants, ouverts au dialogue interreligieux ou méfiants… Ils vivent les mille nuances d’une identité complexe.
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