Éminent chercheur des idées et expert des mouvements de droite radicaux, Stéphane François, l’écrivain de plusieurs ouvrages, dont L’Ecologie politique. Une vision du monde réactionnaire ? (Cerf, 2012) et Les Vert-bruns. L’écologie de l’extrême droite française (Le Bord de l’eau, 2022), se plonge dans le décryptage de l’idéologie derrière les initiatives écologiques du Rassemblement national (RN).
Lorsqu’il s’agit de problèmes environnementaux, le RN est surtout connu pour son rejet de « l’écologie punitive » que Bruxelles serait en train d’imposer. Pourquoi est-ce que ce sujet, d’une telle importance, est si peu abordé en discours ?
Alors qu’une certaine partie de la population française se concentre sur cette question, d’autres la jugent moins importante que le pouvoir d’achat. Pour un nombre significatif d’électeurs, la difficulté de la vie quotidienne commence à se faire sentir à partir du 10 de chaque mois. Les préoccupations climatiques deviennent alors secondaires, voire tertiaires. Par populisme, et également par désintérêt pour cet enjeu, le RN a choisi de s’aligner sur ces électeurs.
Il faut préciser que ce parti politique n’a jamais mis en avant des initiatives écologiques. Jusqu’en 2017, l’écologie était absente des programmes présidentiels. Elle n’a commencé à apparaitre qu’en 2022, bien que timidement. Le programme de 2022 mettait davantage l’accent sur le nationalisme et la souveraineté que sur l’environnement – même la section qui y était dédiée, comme l’on peut le constater dans la brochure intitulée M l’écologie, où le programme du RN est détaillé. De ce fait, ses propositions sont sous-développées. Le slogan de son programme actuel est « Pour l’écologie de la joie de vivre des Français en France ». Mais comment l’écologie contribue-t-elle à la joie d’être français ? Il semble y avoir une confusion entre le mouvement écolo militant et la simple conservation du patrimoine naturel.
Le Rassemblement National propose l’idée d’une « écologie positive », en opposition à une éventuelle « écologie punitive », qui serait restrictive et notamment au Green Deal, qualifié de « forcé » par l’Union européenne. Jordan Bardella a particulièrement attaqué cette idée lors des dernières élections européennes, la considérant comme contreproductive. Cependant, cette « écologie positive » n’a jamais été clairement définie.
Est-ce un sujet qui embarrasse le RN ? À aucun moment, bien au contraire. On peut même affirmer que ce parti ne se préoccupe pas réellement de ces sujets. Pourquoi le RN chercherait-il alors à formuler un discours écologique, même flou, alors que la majorité de ses électeurs dédaigne les écologistes ? L’année précédente, lors de son échange avec le journaliste écologiste Hugo Clément, le 13 avril 2023, Bardella a ouvertement et fortement critiqué les écologistes. En effet, ses électeurs ont tendance à voir les écologistes comme des « gêneurs » peu concernés par la situation économique et sociale des zones rurales, tels que le coût du fioul de chauffage ou du diesel, sans oublier l’augmentation des éoliennes qui baisse le prix des habitations… Présentant son image comme défenseur des « sans-voix », de la « majorité silencieuse », le RN n’agit pas contre ses potentiels électeurs.
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