Jacky Goldberg, Glenn Cloarec, Fatoumata Sillah et Cécile Bouanchaud ont tous contribué à cette émission en direct. Vous pouvez lire toutes nos publications, y compris les analyses et reportages sur le conflit en Ukraine, sur Le Monde. À Lviv, les recruteurs de l’armée ukrainienne patrouillent les rues désertées par les résidents. Les Ukrainiens en sont venus à comprendre que ce conflit ne sera pas une course rapide, mais un marathon long et ardu. Le chef d’état-major et l’ex-ministre de la défense russe passent maintenant devant la Cour pénale internationale. La question de la guerre en Ukraine est-elle éclipsée par les élections législatives de 2024? Le réaménagement de la dette ukrainienne demeure un casse-tête complexe.
Pour répondre à vos questions fréquemment posées, discutons de comment Moscou et Kiev utilisent les drones. Ces derniers mois ont vu escalader la guerre des drones entre la Russie et l’Ukraine à une ampleur sans précédent. Un rapport d’un think tank britannique, publié en mai 2023, révélait que les Ukrainiens perdaient environ 10 000 drones chaque mois sur le front, soit plus de 300 par jour. Pour mettre cela en perspective, l’armée française n’a que légèrement plus de 3 000 drones dans son arsenal. Ukrainiens et Russes utilisent principalement de petits drones civils à bas prix, disponibles en grand nombre. Ces drones sont utilisés pour l’observation du champ de bataille, pour guider les troupes ou les tirs d’artillerie. Quelques-uns sont jerry-rig pour transporter de petites charges explosives, qui sont par la suite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Bien que moins nombreux, les drones-kamikazes jouent un rôle crucial dans la guerre moderne. Ces véhicules aériens sans pilote (UAV), qu’ils soient équipés d’explosifs, sont lancés vers la ligne de front sans un objectif précis. En outre, la Russie fait usage de drones russes, le Lancet-3, ainsi que de Shahed-136, fabriqués en Iran. Malgré un déficit de flottes de guerre efficaces, l’Ukraine utilise des dispositifs maritimes non-pilotés, y compris des kayaks miniatures télécommandés dotés d’explosifs (450 kg de TNT).
Les drones sont une composante essentielle des opérations militaires pour les Ukrainiens et les Russes, raison pour laquelle ils ont mis en place des tactiques pour maintenir un approvisionnement régulier pour leurs forces. Ils souscrivent non seulement à l’achat de drones commerciaux, mais ont également initié des initiatives de construction nationale. Depuis le commencement de la guerre du Donbass il y a dix ans, l’industrie ukrainienne a progressé à partir de faibles débuts. À la fin du mois d’août, le ministère ukrainien de la transformation numérique a annoncé qu’une version du drone russe Lancet a été développée et sera bientôt mise en utilisation sous le nom de Peroun, en référence au dieu slave de la foudre et du tonnerre.
Les sanctions occidentales, qui entravent l’approvisionnement en composants électroniques de la Russie, posent des difficultés. Néanmoins, d’après les services de renseignements américains, la Russie a commencé à construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour y fabriquer des drones-kamikazes de design iranien, tels que les Shahed-136.
Quant au stock de missiles russes, il est extrêmement complexe, voire impossible, de déterminer leur état actuel. Bien que les services de renseignements ukrainiens rapportent régulièrement sur le sujet, leurs estimations sont souvent contestées.
D’après les déclarations d’Andri Ioussov, le représentant de l’agence de renseignement du ministère de la défense (GUR), et les informations fournies par Liga.net, l’armée russe avait en sa possession plus de 2300 missiles, balistiques ou de croisière, avant le début du conflit, ce chiffre a légèrement diminué pour s’établir à plus de 900 au commencement de l’année. Le représentant a ajouté que l’arsenal comprend aussi des dizaines de milliers de missiles antiaériens S-300, avec une portée approximative de 120 kilomètres, ainsi qu’un grand nombre de S-400, une version plus récente avec une portée triplée. En août, Vadym Skibitsky, l’adjoint du GUR, a rapporté la possession de 585 missiles avec une portée de plus de 500 kilomètres.
Concernant les capacités de fabrication, elles auraient atteint environ une centaine de missiles, balistiques ou de croisière, par mois selon plusieurs spécialistes. En octobre, le GUR estimait cette production à 115 unités.
La Russie aurait également acquis des missiles de courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait à le faire. Selon l’agence de presse Reuters, qui s’appuie sur de multiples sources iraniennes, 400 missiles iraniens de type Fateh-110 (300 à 700 km) auraient été livrés depuis janvier, date à laquelle un accord avait été conclu. On ne sait pas combien de missiles nord-coréens ont été acquis par la Russie, mais 24 ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. D’après les analyses effectuées par les experts sur les débris et les trajectoires, il s’agirait probablement des modèles KN-23 et KN-24 d’une portée d’environ 400 kilomètres.
Et qu’en est-il des avions de combat F-16 ?
Répondant à une requête de longue date du président de l’Ukraine, les États-Unis ont autorisé en août 2023 le transfert de F-16 à l’Ukraine. Plus de 300 avions de ce type sont répartis dans neuf pays européens, notamment la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal. Cependant, tous ceux qui possèdent ces avions ne peuvent pas les donner immédiatement.
Volodymyr Zelensky a mentionné un total de 42 F-16 provenant des alliés occidentaux, mais ce nombre reste à confirmer. Le Danemark a promis 19 avions, dont les 6 premiers livrés fin 2023, 8 autres en 2024 et 5 supplémentaires en 2025, a déclaré la première ministre danoise, Mette Frederiksen. Quant aux Pays-Bas, bien qu’ils aient également promis des F-16, ils n’ont pas indiqué combien ils envisageaient de donner.
De plus, les pilotes ukrainiens doivent être formés pour manipuler ces chasseurs américains. Onze pays alliés s’engagent à former ces pilotes. Selon l’OTAN, les soldats ukrainiens ne pourront utiliser ces avions en situation de combat qu’au début de 2024, tandis que d’autres experts estiment cette échéance à l’été de la même année.
Quel est l’apport militaire des alliés à Kiev ?
Deux années suivant l’escalade du conflit, l’appui occidental envers Kiev semble s’essouffler. D’août 2023 à janvier 2024, les aides récemment accordées ont diminué par rapport à la même période de l’année précédente, comme l’a attesté le dernier rapport de l’Institut Kiel publié en février 2024. D’autant plus que le Sénat des États-Unis a du mal à obtenir des votes pour des aides, et l’Union européenne (UE) a dû affronter de sérieuses difficultés pour adopter une aide de 50 milliards le 1er février 2024 suite à un blocage hongrois. Il faut souligner que ces deux paquets d’aide n’ont pas été inclus dans le dernier bilan de l’Institut Kiel, qui se termine en janvier 2024.
Selon les données de l’institut allemand, le nombre de donateurs diminue et se focalise autour d’un groupe de pays : les États-Unis, l’Allemagne, les pays du Nord et de l’Est de l’Europe, qui offrent à la fois de l’aide financière considérable et de l’armement high-tech. Depuis février 2022, les pays soutenant Kiev se sont engagés au moins à hauteur de 276 milliards d’euros dans les domaines militaire, financier et humanitaire.
En termes de valeur absolu, les pays les plus fortunés ont été les plus généreux. Les États-Unis sont de loin en tête en tant que donateurs, avec plus de 75 milliards d’euros d’aide annoncés, dont 46,3 milliards sous forme d’aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont proclamé des aides tant bilatérales (64,86 milliards d’euros) que communes provenant des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.
En comparant les contributions de différents pays donateurs avec leur produit intérieur brut (PIB), nous constatons des variations notables dans le classement. Les États-Unis, par exemple, tombent à la vingtième position (0,32% de leur PIB), étant surpassés par des pays limitrophes de l’Ukraine ou par d’anciennes républiques soviétiques amicales. L’Estonie se hisse au sommet avec 3,55% de son PIB, tandis que le Danemark (2,41%) et la Norvège (1,72%) suivent de près. La Lituanie (1,54%) et la Lettonie (1,15%) complètent le top 5. Les trois États baltes, tous partageant des frontières avec la Russie ou son allié la Biélorussie, figurent parmi les donateurs les plus généreux depuis le déclenchement du conflit.
En termes de pourcentage du PIB, la France occupe la vingt-septième place, avec une contribution de 0,07% de son PIB, se situant immédiatement après la Grèce (0,09%). L’aide de la France connaît une baisse soutenue depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie : elle était vingt-quatrième en avril 2023 et treizième en été 2022.
Quant aux tensions à la frontière ukraino-polonaise, que savons-nous exactement?
La tension entre l’Ukraine et la Pologne persiste depuis des mois, principalement en raison du transit des céréales ukrainiennes. Au printemps 2022, l’Union européenne avait proposé des « couloirs de solidarité » pour faciliter l’acheminement et la commercialisation des produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient, sans imposer de droits douaniers. Cependant, la Fondation Farm indique que près de la moitié des céréales ukrainiennes finissent leur voyage dans l’UE. Ces céréales sont vendues à un prix significativement inférieur à celui du blé produit dans l’UE, surtout en Europe centrale.
La Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie, alléguant que ces céréales déstabilisent leurs marchés locaux, avaient donc cessé d’importer ces céréales à partir d’avril 2023. La Commission européenne avait accepté cette décision à condition qu’elle n’entrave pas le transit vers d’autres pays et qu’elle soit limitée à quatre mois. A la fin de l’été, la Pologne a choisi de maintenir sa frontière fermée aux céréales ukrainiennes malgré le fait que la Commission européenne avait jugé que l’embargo n’était plus justifié, ses conclusions indiquant que la présence de céréales ukrainiennes ne déforme plus les marchés nationaux.
Les agriculteurs de Pologne ont mis en place un blocus à la frontière entre leur pays et l’Ukraine afin d’arrêter l’arrivée de camions ukrainiens. Leur protestation concerne une demande d’interdiction totale des produits agricoles et alimentaires en provenance de l’Ukraine. Ils critiquent l’augmentation drastique des coûts de production tandis que leurs silos et entrepôts sont surchargés, en plus des faibles prix. Le président ukrainien a interprété le blocus frontalier polonais comme un signe de « l’affaiblissement de la solidarité » à l’égard de sa nation en 2024 et a exigé des discussions avec la Pologne. « Seule la Russie trouve de la joie dans ces tensions », a-t-il déclaré, condamnant les slogans pro-Poutine qui sont apparus ouvertement.
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