Depuis sa réactivation en novembre 2021, après neuf ans d’arrêt, le mouvement rebelle M23 semble invincible. Des rapports des experts des Nations unies indiquent que l’armée rwandaise les soutient en hommes et en matériel. Ils ont réussi à prendre le contrôle du Nord-Kivu, à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). À ce jour, depuis juillet 2023, le M23 a presque doublé son territoire sous contrôle, établissant ainsi une administration parallèle en renforcement. Les avancements sont plus rapides depuis le début de mai.
Le dimanche 30 juin, le jour où Kinshasa commémorait le 64e anniversaire de son indépendance vis-à-vis de la Belgique, les rebelles ont capturé une autre ville importante, Kanyabayonga, à environ 1500 km de distance. Les forces armées congolaises (FARDC) ont été forcées à abandonner la ville sous la pression des tirs d’artillerie du M23 et surtout des forces de défense du Rwanda (FDR). Selon une source bien informée, les soldats congolais ont dû se retirer sans mettre beaucoup de résistance.
D’après cette source, la présence des Rwandais, bien équipés et aguerris, a été cruciale pour briser la résistance des FARDC, malgré l’appui de milices locales. Il semble que quelques centaines de FDR en provenance du Rwanda soient arrivées au Nord-Kivu ces derniers jours, certaines via l’Ouganda, avant l’attaque. Toutefois, on ne sait pas encore s’il s’agissait de renforts ou simplement de rotation des troupes. Il semble aussi que Kampala a joué un rôle à ce propos.
Kanyabayonga, une ville-clé d’environ 60 000 habitants, joue un rôle stratégique crucial. Elle commande l’accès aux deux principales voies de communication vers le sud, qui traversent de part et d’autre le massif volcanique du Parc National des Virunga en direction de Goma. Elle est également la porte d’entrée vers la région connue sous le nom de « Grand Nord », qui mène aux centres urbains et commerciaux majeurs de Lubero, Butembo et Béni. Actualite.cd, un média en ligne congolais, rapportait lundi matin que le M23/FDR progressait et avait fait son entrée à Kayna, indiquant que Kanyabayonga était maintenant à portée.
Un expert en sécurité européen, tout juste revenu de Goma, précise qu’il n’est pas certain que ces groupes cherchent ou soient en mesure de maintenir leur contrôle sur ces villes. Cependant, ils pourraient au minimum les diriger à distance en se retirant dans les montagnes voisines. Il souligne que le M23 et les FDR, principalement composés de Tutsis congolais ou rwandais, pénètrent dans un territoire qui leur a souvent été défavorable, le bastion de la communauté Nandé. Autre problème à résoudre, ils doivent également prendre en compte l’Ouganda voisin qui a des intérêts économiques et politiques significatifs dans la zone.
Déjà en début mars, les rebelles avaient avancé jusqu’au village de pêcheurs de Vitshumbi, sur les rives du lac Edward, qui se situe entre la RDC et l’Ouganda.
Le comportement de Kampala dans la situation actuelle reste complexe à comprendre. Au moins, on peut dire que cette nation voisine du Congo montre une indifférence tacite vers le M23. Il est connu que plusieurs rebelles ont été hébergés en Ouganda pendant de longues années avant de lancer une offensive en novembre 2021. Il serait donc étrange de penser que l’activité des troupes armées et des approvisionnements logistiques passant par ses frontières avec le Rwanda et la RDC est inaperçue pour le service de renseignement de l’armée ougandaise.
Les succès récents du M23 et des FDR dans la région nord du Nord-Kivu s’ajoutent à ceux qu’ils ont accomplis dans d’autres régions de la province. À l’ouest, dans le Masisi, et plus au sud, aux abords du lac Kivu, les rebelles avancent. La ville de Saké est maintenant sous leur contrôle. Ils semblent avoir pris possession des mines de coltan à Kabuya, anciennement exploitées par une milice locale. Goma, la capitale provinciale, est en état d’asphyxie. L’approvisionnement de la ville, y compris via la frontière rwandaise qui reste ouverte, est sous la merci du M23 et des FDR. Le mouvement contrôle tous les chemins d’accès, au nord, à l’ouest, et au sud. Ils ont la capacité de cibler les bateaux sur le lac et les avions à l’aéroport de Goma, qui sont maintenant à portée de leurs tirs de mortier.
Le tout est perçu comme une « agression injustifiée ».
La politique de la République Démocratique du Congo (RDC) reste déroutante et inefficace, selon le texte original. L’association des FARDC avec divers groupes armés locaux, dont certains sont soumis à des sanctions internationales, sous la bannière « wazalendo » (ou « patriotes » en kiswahili) n’a pas changé la dynamique de pouvoir sur le terrain. En fait, cela a conduit à un recul des troupes de la RDC au fur et à mesure que les FARDC abandonnaient leurs positions, dépassées par la discipline, la stratégie et les équipements de M23 et FDR. Le gouvernement congolais n’a pas réussi à établir une solidarité diplomatique régionale ou auprès de l’ONU assez forte pour forcer le Rwanda à retirer ses troupes de la RDC.
Dans son discours à la nation lors des célébrations de l’indépendance, le président Félix Tshisekedi, récemment réélu pour un second mandat, n’a pas fourni beaucoup de clarifications. Il a déclaré que les événements au Nord-Kivu représentent une attaque flagrante contre la souveraineté de la RDC et la paix de son peuple. Il a promis que les forces armées du pays luttaient en première ligne et que, ensemble, ils surmonteraient cette agression injustifiée. Cependant, il n’a pas donné de détails sur la stratégie à adopter.
Par ailleurs, la reprise des combats au Nord-Kivu a forcé environ 1,5 million de personnes à fuir depuis novembre 2021, rapporte le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU. Ces personnes qui fuient les combats se retrouvent entassées dans des refuges de fortune, abandonnées à leur sort, dans des zones où les services de l’État sont absents.
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