Dans chaque nation, la majorité du capital des foyers repose sur l’immobilier. Ce fait n’est pas différent en France où les résidences et les appartements valent quatre fois le produit intérieur brut. C’est presque deux fois la valeur de toutes les autres formes de capital comme les actions, les immeubles commerciaux et les terrains agricoles. L’essentiel de ce capital immobilier est relativement nouveau, près de 75% des logements ayant été construits après la Seconde Guerre mondiale. Ce bien est principalement créé à partir de matériaux comme le béton, la brique, les blocs de béton, le verre, l’acier et le bois, utilisant surtout des outils simples qui exigent principalement de l’effort physique.
Malgré les idées reçues sur la modernisation et la disparition du travail manuel, le secteur de la construction a connu une expansion considérable en France entre 1950 et 1980. Le nombre d’employés a doublé pour arriver à 1,7 million de personnes. Même en prenant en compte les variations, le nombre d’employés, incluant les travailleurs temporaires, est resté élevé.
Dans le secteur du BTP en France, une part importante de la force de travail a été constituée par des travailleurs étrangers depuis le milieu des années 1960. Les entrepreneurs de l’époque étaient confrontés à des difficultés pour retenir leur main-d’œuvre française du fait de l’augmentation des salaires et ont donc commencé à la substituer par des travailleurs étrangers. Vers la fin des années 1960, 30% de la main-d’œuvre dans le secteur du BTP étaient des immigrés. En 1965, la scène du BTP dans la région parisienne mettait en vedette 78% de travailleurs portugais, généralement jeunes, certains d’entre eux échappant au service militaire et aux guerres coloniales. Pendant cette période, on pouvait voir une abondance d’immigrants algériens, marocains et portugais sur les chantiers du périphérique, du RER et du quartier des affaires de la Défense. Un rapport de la préfecture de la Seine a indiqué que le travailleur portugais était un travailleur moyen, en compétition rarement avec l’Espagnol et encore moins avec l’Italien, mais se situant plutôt au même niveau que le Marocain ou l’Algérien.
Le sociologue Nicolas Jounin, dans son étude approfondie « Chantier interdit au public. Enquête parmi les travailleurs du bâtiment » (La Découverte, 2009), a trouvé que le même type de hiérarchie ethnique-raciale, basée également sur la date d’immigration en France, était toujours en place quarante ans plus tard. Les tâches les plus difficiles étaient généralement effectuées par des hommes sans qualifications, souvent noirs et parfois en situation irrégulière, tels que le port des échafaudages, le chargement des brouettes de ciment, ou encore de la démolition à l’aide de masses et de marteaux-piqueurs.
Selon l’analyse de Jounin, le racisme observé dans les constructions ne découle pas de stéréotypes ancestraux, mais sert plutôt à préserver l’ordre hiérarchique et à instaurer la discipline. Par exemple, un ouvrier noir compétent ne se verra jamais attribuer le prénom « Mamadou », contrairement à un manoeuvre occasionnel. Le racisme permet de légitimer la position inférieure de certains employés. Jounin note qu’il est parfois surprenant de voir un travailleur blanc sur le chantier : « Normalement, les Français ne sont pas des ferrailleurs… Les Français affirment que les Arabes leur volent leurs emplois, pourtant ce qu’ils prennent, c’est surtout les jobs ingrats. »
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