La Cour suprême du Japon a déclaré inconstitutionnelle une ancienne loi eugéniste, aujourd’hui abolie, qui a entraîné la stérilisation forcée de milliers de citoyens. Cette loi, qui a été révoquée il y a trente ans, ne peut plus être appliquée, selon la plus haute instance judiciaire du pays, qui a aussi déclaré qu’un délai de prescription de vingt ans pour les demandes de compensation des victimes ne devait pas être mis en place.
Le gouvernement nippon admet que près de 16 500 individus ont été stérilisés en vertu de cette loi eugéniste, qui était en application entre 1948 et 1996. Pendant cette période, cette loi permettait aux médecins de stériliser ceux souffrant de troubles intellectuels héréditaires, dans le but « d’éviter la naissance d’une progéniture de mauvaise qualité ».
D’après le gouvernement japonais, 8 500 autres personnes ont consenti à être stérilisées, mais les avocats arguent que ces situations étaient probablement « forcées de facto » en raison de la pression exercée.
Saburo Kita (un pseudonyme), qui avait subi une vasectomie à l’âge de 14 ans alors qu’il était dans un établissement pour mineurs en difficulté, a déclaré : « J’ai traversé soixante-six ans de souffrance à cause de cette intervention chirurgicale orchestrée par le gouvernement. Je souhaite retrouver la vie qu’on m’a volée ».
Lorsqu’il a épousé sa femme, il a gardé son secret enfoui jusqu’à sa confession peu avant son décès en 2013: « Je ne pourrai commencer à embrasser ma vie que lorsque l’État assumera ses responsabilités pour ses actes », a déclaré M. Kita, 81 ans aujourd’hui, lors d’une conférence de presse l’an dernier.
L’excuse du gouvernement
Au fil des années 1980 et 1990, le nombre d’interventions a radicalement chuté jusqu’à être presque négligeable. Puis, en 1996, la loi coupable a finalement été éliminée. Cependant, cette sombre période de l’histoire du Japon a été ramenée en plein jour lorsque, en 2018, une femme âgée d’une soixantaine d’années a poursuivi le gouvernement pour une opération qu’elle avait subie lorsqu’elle n’avait que 15 ans. Ce geste courageux a ouvert la voie à d’autres actions en justice similaires.
Suite à l’adoption d’une loi en 2019 qui prévoit une compensation forfaitaire de 3,2 millions de yens (environ 18 500 euros aujourd’hui) par victime, le gouvernement a présenté ses excuses et exprimé des « remords sincères ». Cependant, les victimes estiment que cette somme est dérisoire par rapport à l’ampleur des souffrances qu’ils ont subies, et ils ont donc porté leur cause devant les tribunaux.
Au cours de ces dernières années, la plupart des tribunaux locaux ont admis que la loi eugénique violait la constitution japonaise. Cependant, les juges étaient partagés sur l’admissibilité des poursuites dépassant le délai de prescription de vingt ans.
« Nous espérons que cette décision encouragera des actions concrètes de la part du gouvernement pour éradiquer le genre de pensée eugénique que la loi avait cultivé », a déclaré l’avocat de M. Kita, Naoto Sekiya, à l’AFP.
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