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« Le « white savior », touriste sauveur du Sud »

Dans un village africain, parmi les résidents portant des tenues rouges traditionnelles, une figure se distingue. Au milieu de l’image, la poupée Barbie aux cheveux brun clair et parfaitement coiffée réalise un grand écart, vêtue d’un legging, d’une brassière de sport et de baskets roses fluo. Cette image est parmi nombreuses autres mises en ligne sur le compte Instagram de Barbie Savior, qui compte 143 000 abonnés. Le compte est géré par deux anciennes bénévoles qui se sont « repenties », et qui se moquent des photos partagées par les partisans du concept du « sauveur blanc ». Ce terme fait référence aux occidentaux qui se rendent dans des pays en développement, souhaitant aider et interagir avec les résidents locaux, tout en croyant qu’ils vont « sauver » le Sud. On peut les voir prendre soin des malades (sans qualifications médicales, bien sûr), creuser des puits et contribuer à la construction.
Le terme a été utilisé par l’écrivain nigéro-américain Teju Cole, dans son article « The White-Savior Industrial Complex » publié en 2012 dans The Atlantic. Il critique ce mélange d’altruisme et d’exotisme reproducissant des stéréotypes racistes et essentialistes, qui sont un héritage de l’époque coloniale. À cette époque, les Blancs pensaient avoir une mission civilisatrice, similaire à celle de notre voyageur.

Sur TikTok, le hashtag #whitesaviour a déjà été vu 15 millions de fois. Au cours des dernières années, des comptes consacrés à l’éducation anti-raciste tels que Décolonisons nous ou Decolonial Voyage ont mis en lumière et démocratisé les défauts du « sauveur blanc » sur les plateformes sociales, ainsi que le phénomène du « volontourisme ». Ce dernier concerne le commerce que génère le désir de certains occidentaux de « faire le bien », souvent à travers des organisations douteuses se présentant comme associatives, qui au lieu d’apporter une aide significative aux populations locales, récoltent beaucoup de richesse.

Le « sauveur blanc » se distingue du touriste ordinaire par son attirance pour le brut, le sale et le populaire, qu’il idéalise. Au lieu de se mêler aux voyages touristiques bondés, il se lance à la recherche de « l’authentique » et se reflète dans ce fossé culturel comme Narcisse le faisait dans l’eau : « Ces gens n’ont rien, c’est incroyable! » Alors qu’il met entre parenthèses son parcours d’études commerciales, il voyage en quêle d’aventure, d’une expérience qui bonifiera son CV. Son but : compléter sa liste de choses à faire pour son développement personnel.

Au Mexique, accompagné de sa petite amie, il contemple les bidonvilles du toit de son auberge de jeunesse haut de gamme. Il est surpris de trouver la misère belle. Lors de ses périgrinations, ce presque-héros se fait photographier entouré d’enfants locaux. « Pas de selfie, ça a un air trop néocolonial », se dit-il.

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