Ce direct a été réalisé avec la participation de Jacky Goldberg, Glenn Cloarec, Fatoumata Sillah et Cécile Bouanchaud. Découvrez tous nos articles, enquêtes et analyses concernant la guerre en Ukraine.
Des journalistes du « Monde » se sont penchés sur les enjeux majeurs. A Lviv, ils ont suivi des recruteurs de l’armée ukrainienne, où leur passage semblerait vider les rues.
« Les Ukrainiens sont arrivés à ce point où épuisés par un sprint, ils réalisent qu’ils doivent se préparer pour un marathon. La guerre va durer », estiment-ils. L’ancien ministre russe de la défense et le chef d’état-major sont maintenant poursuivis par la Cour pénale internationale.
La guerre en Ukraine a pourtant été négligée dans la campagne des élections législatives de 2024. En parallèle, la restructuration de la dette ukrainienne est une question délicate.
De plus, nous répondons à vos interrogations les plus courantes. Comment Kiev et Moscou déploient-ils des drones? Depuis plusieurs mois, le conflit de drones entre la Russie et l’Ukraine a atteint des proportions sans précédent. Selon un document publié par un think tank britannique spécialisé en défense, les Ukrainiens perdent environ 10 000 drones sur le champ de guerre chaque mois, soit plus de 300 par jour. Pour mettre cela en perspective, l’armée française possède à peine plus de 3 000 drones non habités.
Ukrainiens et Russes utilisent majoritairement des petits Véhicules Aériens sans Pilote (UAV en anglais) de source civile. Ces appareils bon marché et largement disponibles sont utilisés pour observer le terrain de guerre et guider les troupes ou des tirs d’artillerie. Certains sont même modifiés pour transporter de petites charges explosives, qui sont ensuite larguées sur des tranchées ou des véhicules blindés.
Dans le conflit entre la Russie et l’Ukraine, les drones kamikazes jouent un rôle clé. Ces engins volants non pilotés, qui peuvent être chargés d’explosifs, sont déployés au-dessus des lignes de front sans objectif précis. La Russie utilise des drones nommés Lancet-3 de fabrication russe, ainsi que des Shahed-136, fabriqués en Iran. Face à une marine de guerre limitée, l’Ukraine défie effectivement ses adversaires avec des véhicules sans pilote, tels que des petits kayaks, qui sont téléguidés et chargés d’explosifs, y compris 450 kilogrammes de TNT.
Reconnaissant l’impact des drones sur leurs opérations, les forces de la Russie et de l’Ukraine ont établi des moyens pour approvisionner durablement leurs troupes. Ils le font en procédant massivement à l’achat de drones civils sur le marché, mais aussi en développant des capacités de production locales. L’industrie ukrainienne, qui ne réussissait qu’à peine à son début durant la guerre de Donbass il y a dix ans, a nettement renforcé ses capacités depuis. A la fin août, le ministre ukrainien de la Transformation numérique a signalé qu’une version du drone Lancet-3 avait été créée et qu’elle serait bientôt mise en service sous le nom de Peroun, dieu slave du tonnerre et des éclairs.
En revanche, la Russie, limitée par les sanctions occidentales qui affectent l’approvisionnement en composants électroniques, rencontre plus de difficultés. Cependant, selon les services de renseignement américains, Moscou aurait commencé à construire une usine dans la zone économique spéciale d’Alabouga pour y fabriquer ses propres drones kamikazes à l’image des Shahed-136 iraniens.
Par ailleurs, la connaissance de l’état actuel des stocks de missiles russes est difficile à obtenir, voire impossible. Les renseignements ukrainiens communiquent régulièrement à ce sujet, mais leurs évaluations sont douteuses.
Andri Ioussov, le représentant de la Direction Générale du Renseignement du Ministère de la Défense (GUR) a déclaré, selon Liga.net, que l’armée russe avait près de 2 300 missiles balistiques ou de croisière avant la guerre. Le nombre restant au début de l’année était supérieur à 900. Une dizaine de milliers de missiles antiaériens S-300, avec une portée approximative de 120 kilomètres, s’ajoutent à ce total, ainsi qu’un grand nombre de S-400, une version plus récente avec une portée triplée. Vadym Skibitsky, le second du GUR, a annoncé en août que 585 de ces missiles avaient une portée de plus de 500 kilomètres.
Des experts indiquent que la production de missiles balistiques ou de croisière aurait augmenté jusqu’à une centaine par mois. En octobre, le GUR estimait cette production à 115 unités.
La Russie aurait également acquis des missiles à courte portée en Iran et en Corée du Nord et continuerait de le faire. L’agence de presse Reuters, en citant plusieurs sources iraniennes, avance que la Russie aurait reçu 400 missiles iraniens Fateh-110 (avec une portée de 300 à 700 kilomètres) depuis janvier, date à laquelle un accord aurait été signé. Le nombre de missiles nord-coréens achetés par la Russie n’est pas connu, mais 24 d’entre eux ont été lancés en Ukraine entre le 30 décembre 2023 et le 7 février 2024, selon le procureur général, Andriy Kostin. Après avoir analysé les débris et les trajectoires, les experts pensent qu’il s’agit vraisemblablement de missiles KN-23 et KN-24, avec une portée approximative de 400 kilomètres.
Le texte original posait également la question des avions de combat F-16.
Répondant à une requête de longue date du président ukrainien, les États-Unis ont consenti au transfert de F-16 à l’Ukraine en août 2023. Bien qu’il y ait plus de 300 F-16 potentiels répartis dans neuf pays européens, y compris la Belgique, le Danemark, la Grèce, les Pays-Bas et le Portugal, toutes ces nations ne sont pas capables d’en céder immédiatement.
Volodymyr Zelensky avait cité le nombre de 42 F-16 que l’Occident avait promis à Kiev, mais ce nombre n’a pas été validé. Le Danemark en a promis 19. Selon la première ministre danoise, Mette Frederiksen, les 6 premiers ne seront pas livrés avant la fin de 2023, suivis de 8 en 2024 et de 5 en 2025. Les Pays-Bas se sont également engagés à en donner, mais le nombre exact n’a pas été défini, malgré un parc de 42 avions.
De surcroît, une formation est nécessaire pour les pilotes ukrainiens pour manier ces avions de combat américains. Onze pays alliés de Kiev se chargeront de la formation des pilotes. Selon l’OTAN, les militaires ukrainiens ne pourront utiliser les avions en combat avant début 2024, tandis que d’autres experts tablent sur l’été de cette même année.
Quelle aide militaire les alliés apportent-ils à Kiev ?
Deux années après l’escalade du conflit, l’élan de soutien occidental en faveur de Kiev semble fléchir. Le rapport le plus récent de l’Institut Kiel, publié en février 2024, indique que les aides nouvellement promulguées ont diminué entre août 2023 et janvier 2024, comparativement à la même période de l’année précédente. Cette tendance pourrait se renforcer, le Sénat américain ayant des difficultés à approuver des subventions, et l’Union européenne (UE) ayant éprouvé des problèmes pour ratifier une aide de 50 milliards le 1er février 2024, en raison de l’opposition de la Hongrie. Soulignons que ces deux packages d’assistance ne sont pas encore inclus dans le dernier bilan établi par l’Institut Kiel, qui couvre jusqu’en janvier 2024.
Les chiffres de l’institut allemand démontrent que le nombre de donnateurs diminue et se centralise autour d’un noyau de nations : les États-Unis, l’Allemagne, les pays du nord et de l’est de l’Europe, qui s’engagent à fournir tant un important soutien financier que des équipements militaires de pointe. Au total, depuis février 2022, les pays en faveur de Kiev se sont engagés à offrir un soutien militaire, financier ou humanitaire d’au moins 276 milliards d’euros.
En termes absolus, les nations les plus riches ont été les plus généreuses. Les États-Unis sont, de loin, les plus grands donateurs, avec plus de 75 milliards d’euros d’assistance annoncée, dont 46,3 milliards en aide militaire. Les pays de l’Union européenne ont annoncé à la fois des aides bilatérales (64,86 milliards d’euros) et des aides communes à partir des fonds de l’Union européenne (93,25 milliards d’euros), pour un total de 158,1 milliards d’euros.
Lorsqu’on évalue ces aides en fonction du produit intérieur brut (PIB) de chaque pays donateur, la hiérarchie se modifie. Les États-Unis descendent à la vingtième position, représentant 0,32 % de leur PIB, bien derrière des nations voisines de l’Ukraine et d’anciennes républiques alliées soviétiques. C’est l’Estonie qui mène le classement en termes d’aides par rapport au PIB, avec 3,55 %, suivie du Danemark (2,41 %) et de la Norvège (1,72 %). La Lituanie (1,54 %) et la Lettonie (1,15 %) complètent le top 5. Ces trois pays baltes, tous limitrophes à la Russie ou à son alliée, la Biélorussie, sont parmi les donateurs les plus généreux depuis le déclenchement du conflit.
En ce qui concerne le classement basé sur le pourcentage du PIB, la France se positionne à la vingt-septième place, ayant donné avec 0,07 % de son PIB, juste après la Grèce (0,09 %). L’assistance accordée par la France est en baisse constante depuis le début de l’incursion russe en Ukraine – la France se trouvait à la vingt-quatrième position en avril 2023, et à la treizième place à l’été 2022.
Qu’en est-il des frictions à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne?
Les tensions entre l’Ukraine et la Pologne ont monté depuis quelques mois, principalement à cause de la question du transport des grains ukrainiens. Au printemps 2022, « des chemins de solidarité » avaient été instaurés par la Commission Européenne pour encourager l’exportation et la vente de produits agricoles ukrainiens vers l’Afrique et le Moyen-Orient, sans frais douaniers. Toutefois, approximativement la moitié des céréales ukrainiennes transitaient ou trouvaient leur fin de parcours au sein de l’Union européenne (UE) dès le début de ces tensions, ce qui inclut la Pologne, selon Foundation Farm, un think tank spécialisé dans les problématiques agricoles globales. En effet, ces grains ont un coût significativement moins élevé que celui du blé cultivé dans l’UE, particulièrement dans les pays d’Europe centrale.
Alléguant une déstabilisation de leur marché local et une menace pour les profits de leurs fermiers, des pays tels la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie ont unilatéralement cessé leurs importations en avril 2023. Bruxelles a approuvé cet embargo, en stipulant toutefois que cela ne devrait pas stopper le transit vers les autres pays et que cela devrait durer uniquement quatre mois. Face à l’insatisfaction face à la solution apportée au problème, Varsovie a choisi de maintenir sa frontière fermée aux céréales ukrainiennes à la fin de l’été. Cependant, Bruxelles n’estimait plus l’embargo nécessaire, arguant que ses analyses démontraient qu’il n’y avait plus de dérégulation des marchés locaux pour les grains.
Des agriculteurs en Pologne ont établi un blocus à la frontière polono-ukrainienne afin d’interdire l’accès des camions en provenance d’Ukraine sur leur territoire national. Ils exigent une interdiction totale des produits agricoles et alimentaires ukrainiens. Leur protestation est motivée par l’augmentation considérable de leurs coûts de production tandis que leurs entrepôts et silos sont remplis à ras bord et que les prix sont à leur niveau le plus bas. En 2024, le président ukrainien, consterné par l’évidente diminution de la solidarité envers l’Ukraine, a sollicité des discussions avec la Pologne. Il a aussi noté que la seule réjouissance face à cette situation venait de Moscou, soulignant ainsi l’émergence de slogans clairement favorables à Poutine.