Son « témoignage lumineux », caractérisé par son ton calme et son éloquence précise, lui a mérité l’appréciation des juges. Le 23 mai, « Centho », qui préfère ne pas révéler son identité réelle, a réussi à passer devant les juges de la 13ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris. Le jeune homme grand de 20 ans, avec des cheveux teints en rose et vêtu de noir, a été appelé à témoigner par l’accusation lors du procès de l’affaire Wintech. Depuis début mai, cette juridiction examine cette énorme escroquerie au faux support technique, une manœuvre visant à vous convaincre que votre ordinateur est infecté par un virus. Elle a recueillie environ 1800 plaintes de particuliers et causé un préjudice d’environ deux millions d’euros.
Ce jour-là, l’affaire dont s’occupe la cour doit beaucoup à Centho. En 2018, alors qu’il était un collégien oisif, il pirate un centre d’appels dédié aux cyber-escroqueries situé en Tunisie, ce qui lui permet de fournir à la justice de nombreuses preuves compromettantes, comme des vidéos montrant des employés « trompant les victimes et les insultant », note la juge d’instruction, Elise Treguer, dans son ordonnance de renvoi.
« Rien d’étonnant », minimise Centho à la cour. Pourtant, les preuves qu’il a fournies ont aidé à soutenir l’accusation, par exemple en mettant en évidence des contradictions ou en démontrant concrètement « le modus operandi » des suspects, note Pauline Fabre, la vice-procureure, lors de ses réquisitions.
Retourner leurs propres armes contre eux.
Centho, actuellement sans travail et se contentant de rémunérations sporadiques pour gérer une diffusion en direct sur Twitch, est connu en tant que « scambaiter » ou piège à escrocs. Ce label est utilisé pour identifier ceux qui pourchassent les fraudeurs spécialisés dans l’escroquerie en ligne. Cette communauté, qui existe depuis un certain temps, compte parmi ses membres des individus capables d’attirer une large audience en partageant leurs prouesses; Scammer Payback et Jim Browning, deux influenceurs anglo-saxons très suivis, comptent respectivement 7,4 millions et 4,3 millions de followers sur YouTube.
Quelle est leur stratégie? Ils déjouent les escrocs en les entraînant dans des tours absurdes. Centho, par exemple, a développé un bot vocal qui imite une personne âgée ayant du mal à entendre, afin de leur faire perdre du temps. Cependant, les scambaiters utilisent également des méthodes plus offensives en piratant les machines des fraudeurs. Comme le note Leslie, une mère de famille de 37 ans de Haute-Savoie et animatrice de la chaîne Twitch « Arnaque moi si tu peux », ces escrocs ont généralement une protection informatique très médiocre, soit par ignorance ou manque de ressources, les appareils qu’ils utilisent étant souvent des machines obsolètes dotées de logiciels dépassés.
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