La diffusion du vote pour le Rassemblement National (RN) à travers toutes les strates socio-économiques, de la classe ouvrière aux professions intermédiaires et supérieures, tant dans le secteur public que privé, est largement influencée par des questions relatives au travail. Ces questions englobent la rémunération, la reconnaissance, l’intérêt et la dégradation de la signification du travail.
Au cours des deux dernières décennies, alors que la revendication de plus d’autonomie est de plus en plus présente dans toutes les strates de la société, on observe une reculade dans de nombreuses entreprises sur ce point. D’une part, les contrôles excessifs, les comptes rendus time-intensive, la centralisation des décisions sans flexibilité pour l’application locale et les changements organisationnels constants nuisent à la productivité et détournent les équipes de leur mission principale.
Par ailleurs, on constate souvent un affaiblissement de la représentation institutionnelle collective dans l’entreprise et une baisse de la confiance des employés envers leurs représentants, ce qui conduit souvent à la création de groupes de travailleurs plus autonomes. La conséquence de tout ceci est un sentiment croissant d’aliénation parmi les travailleurs qui ont le sentiment que ni la direction de l’entreprise, ni les syndicats ne comprennent vraiment leur travail quotidien.
Face à la désillusion et l’impression d’être incompris et défendus par personne au sein de l’entreprise, beaucoup d’employés se sentent dégradés et aliénés, ce qui alimente un sentiment de déclassement. Ceci renforce le vote pour le RN, qui promet aux travailleurs de retrouver le contrôle de leur vie. Pour résoudre cette crise, une double adaptation est nécessaire de la part des syndicats et des dirigeants de l’entreprise.
En termes de syndicalisme, il est maintenant temps de rassembler les militants pour renouer le contact avec les travailleurs. Les ressources syndicales à disposition (à quelques exceptions près) le rendent possible. L’objectif est d’élaborer des propositions pratiques avec les équipes pour améliorer la structure, la valeur et l’appréciation du travail sur le terrain. Le syndicalisme doit reconsidérer son rôle pour attirer de nouveaux membres et réduire l’abstention lors des élections professionnelles. Il a besoin de créer un nouveau modèle de démocratie sociale en favorisant la participation des employés.
De la même manière, pour les dirigeants, il est crucial de comprendre, comme l’ont déjà fait les entreprises les plus éclairées et novatrices, que le changement actuel dans la relation avec le travail n’est pas un désintérêt ou un décret de travail, mais plutôt une demande supplémentaire en termes de son travail et de son entreprise : comprendre comment son travail contribue à un collectif dont on est fier, utiliser l’autonomie dont on dispose pour apporter son empreinte personnelle et bien faire son travail, avoir son mot à dire sur la structure du travail et sur la répartition de la valeur qu’il crée, avoir des perspectives professionnelles lorsqu’on souhaite progresser.
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