En juin 2024, à 11 heures, Wilfried Agaty, âgé de 46 ans, se trouve dans le bureau de Laure Barreault, psychologue clinique au Centre hospitalier régional et universitaire de Nancy, dans l’unité ACT N’PSY. Récemment, la réaction déconcertée d’une infirmière à son état l’a profondément touché. « J’ai l’impression d’être un porteur de malheur, j’accumule les problèmes », partage-t-il d’une voix saccadée. Il est fatigué de souffrir. En plus de ses troubles de la parole, il ne peut plus utiliser ses jambes et ses mains. La séance d’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing, une thérapie par mouvements oculaires) commence: il fixe le faisceau lumineux qui traverse la pièce. Laure Barreault interrompt la lumière, lui demandant de prendre une profonde respiration, avant de chercher à connaître ses ressentis.
Cette procédure est répétée à plusieurs reprises. Petit à petit, Wilfried parvient à exprimer ses sentiments : « La réaction de l’infirmière n’était pas appropriée. ». Par moments, alors qu’il se crispe douloureusement sur sa chaise motorisée, les yeux fixés sur la lumière changeante, la voix réconfortante de la thérapeute se fait entendre: « Je suis là pour vous, vous faites du bon travail. ». Ensuite, Wilfried exprime une diminution de la douleur dans sa main droite et commence lentement à la bouger. Soudainement, pour la première fois depuis son arrivée, sa voix est complètement claire : « Je ressens que vous m’aidez à traverser cette épreuve difficile… » Il semble surpris. Ensuite, sa voix redevient faible et son discours saccadé revient: «… en me tenant la main ». La session a duré près de quarante-cinq minutes. Lorsque nous le contactons deux jours plus tard, sa voix est parfaitement claire et sa main droite est toujours en mouvement.
Fondée en 2023, l’unité ACT N’PSY est l’une des quelques structures en France dédiées à la prise en charge des troubles neurologiques fonctionnels (TNF). Wilfried Agaty, qui est atteint de cette maladie, en est un exemple clair. Ses symptômes peuvent varier : de la paralysie d’un membre aux troubles de la parole et de la déglutition, des mouvements inhabituels aux sensations vertigineuses et à la perte de la perception sensorielle, ainsi que des tremblements, des convulsions, et même la perte de connaissance, qui sont tous des signes d’une crise fonctionnelle dissociative (CFD).
Malgré le manque de connaissance à leur sujet, les TNF sont la deuxième raison la plus courante de visite chez un neurologue. Selon les méthodes d’étude, leur prévalence varie entre 5 et 12 pour 100 000 personnes, ce qui les rend presque aussi courants que la sclérose en plaque ou la maladie de Parkinson. En outre, une proportion des symptômes neurologiques liés à la pandémie de COVID-19 (syndrome post-Covid ou post-vaccination) est en réalité attribuable aux TNF, comme l’indique un article du journal L’Encéphale publié en 2023. Cela a donc augmenté l’occurrence de ce trouble.
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