Les planches de sa jetée vacillent sous le poids des manèges, sa grande roue imposante domine le paysage et les boutiques d’occasion débordent dans le centre-ville. C’est le tableau typiquement britannique de Clacton-on-Sea dans l’Essex, une ville côtière dont l’apparence est autant désuète que mélancolique. Elle jouissait d’une popularité auprès des touristes jusqu’à la fin des années 70, avant l’émergence des voyages à bas prix vers la Méditerranée. Aujourd’hui, son attractivité s’est dissipée.
Clacton-on-Sea, avec ses 53 000 résidents, compte parmi les villes ayant le taux de chômage le plus élevé du Royaume-Uni, à hauteur de 46,8% pour les plus de 16 ans. Cette situation s’explique en partie par des problèmes de santé, mais également par le caractère saisonnier de l’emploi sur place. L’âge moyen de la population est de 50 ans. La ville est classée parmi les 1% les plus démunis en Angleterre. L’état de santé préoccupant de la population est visible par le nombre d’habitants se déplaçant à l’aide de déambulateurs ou scooters pour personnes handicapées.
C’est sur cette circonscription, située à environ 100 kilomètres au nord de Londres, que Nigel Farage, 60 ans, chef du parti populiste de droite, Reform UK, a décidé de porter son attention. Il s’apprête à se présenter aux élections parlementaires du 4 juillet, dans l’espoir de devenir député pour la huitième fois. Malgré une série d’échecs, Farage reste l’une des figures politiques les plus influentes de sa génération au Royaume-Uni. Sa campagne anti-Bruxelles a conduit au référendum du Brexit en 2016. Ce stratège de la communication compte profiter du désenchantement général des Britanniques envers les conservateurs. Après 14 ans de règne, ces derniers semblent promis à une déroute, du moins si l’on en croit les sondages.
M. Farage, ayant initié sa carrière comme courtier à la City avant d’être élu au Parlement européen, déclare que même si le Labour a remporté les élections, la véritable opposition viendra de Reform UK à la Chambre des communes. Farage, qui a passé deux décennies à critiquer Bruxelles à son poste de député européen, a axé ses efforts sur une rhétorique anti-immigration. Il plaide pour imposer des taxes aux entreprises qui emploient des non-Britanniques et pour renvoyer en France ceux qui traversent la Manche dans de petites embarcations, bien qu’il n’explique pas comment il le ferait. Il trouve un soutien réceptif à Clacton-on-Sea, précédemment représenté par un conservateur.
Pam Cook, une sympathique grand-mère de 73 ans s’appuyant sur son déambulateur et attend sa fille à l’agence pour l’emploi locale, révèle qu’elle a toujours voté pour les conservateurs, mais cette fois, elle choisira Reform UK parce que Farage a promis de stopper les « small boats ». Cook, récemment déménagé à Clacton après presque un demi-siècle à Basildon, dans l’est de Londres, insiste sur le fait qu’elle n’est pas raciste, et respecte les familles travailleuses du Bangladesh. Toutefois, elle s’oppose à l’immigration illégale et n’apprécie pas que ceux qui entrent illégalement dans le pays reçoivent plus d’aide financière que sa retraite. Elle se dit contente de son déménagement à Clacton, endroit qu’elle trouve plus paisible, sans problèmes de drogue comme à Basildon, et où les logements sont plus abordables.