En tant que leader du parti autonomiste Femu a Corsica (« Construisons la Corse »), Gilles Simeoni a exercé les fonctions présidentielles du conseil exécutif de l’Assemblée de Corse depuis 2015. C’est la première fois qu’il s’ouvre à un média national sur les implications de la dissolution de l’Assemblée nationale et les élections législatives prévues pour le 30 juin et le 7 juillet.
Comment perçoit-il le score majoritaire obtenu par Rassemblement national (RN) aux élections européennes du 9 juin, y compris en Corse ?
Cela n’a fait que valider ce que beaucoup craignaient depuis un certain temps. Ce vote captive un sens de peur, une détresse, un mécontentement profond qui sévit depuis des années et auquel aucune réponse satisfaisante n’a été apportée. Nous faisons face actuellement aux conséquences néfastes. En prenant en compte la Corse spécifiquement, certains lieux enregistrent des taux approchant 60% avec le RN et Reconquête combinés.
Il y a un certain rejet des étrangers et de « l’autre », en Corse ainsi qu’ailleurs. Par ailleurs, il faut souligner que, en Corse, l’abstention aux élections européennes est très élevée. Toutefois, du point de vue des valeurs défendues historiquement par le peuple corse, ce vote est profondément inquiétant.
Est-ce que ce vote témoigne d’une certaine lassitude vis-à-vis du pouvoir régional dominant de votre parti ?
Notre parti a été au pouvoir pendant neuf ans. C’est une période très longue. Il existe aujourd’hui une certaine frustration ou un mécontentement qui se manifeste. Nous avons porté un grand espoir de changement rapide et fondamental. Toutefois, ce changement n’a pas eu lieu, principalement à cause des défis politiques que nous avons rencontrés dans nos relations avec l’Etat. Néanmoins, cela ne justifie pas en soi une telle excuse.
Le processus de Beauvau, initié en 2022, qui avait pour but de permettre à la Corse d’atteindre l’autonomie par le biais d’une révision constitutionnelle, a-t-il été stoppé par la dissolution ?
La dissolution a engendré une grande ambigüité et préoccupation quant à la division des forces politiques à travers tout le pays, et non seulement en Corse. Pour ce qui est du processus de Beauvau, avant la dissolution, nous étions sur le point d’entrer dans la deuxième phase, qui vise à soumettre le projet de rédaction constitutionnelle au Parlement, dans le but d’atteindre une majorité des trois cinquièmes en faveur d’un vrai statut d’autonomie. Nous étions sur la bonne voie.
A titre indicatif, quelques jours avant les élections européennes, j’ai eu l’honneur d’être reçu par la mission sénatoriale créée par le président [du Sénat, Gérard] Larcher, et dirigée par le président de la commission des lois du Sénat, M. Buffet. Ces rencontrés se sont avérées être très enrichissantes. Mais ensuite, la dissolution est survenue, instaurant une toute nouvelle réalité politique. La question pertinente est de savoir si la Corse restera au centre des préoccupations politiques dans les mois à venir ? Nous naviguons dans une incertitude totale.
Lecture de l’article restant réservée aux abonnés, il reste encore 54,5% à lire.