L’un des joies souvent négligées de la vie est de participer aux groupes de partage de créations artistiques sur Facebook, qui sont souvent composées de matériaux recyclés et d’objets détournés. Qu’il s’agisse d’un rideau fait de dosettes de café recyclées, d’un porte-couteaux conçu avec une chope à bière et des spaghettis, de bijoux fabriqués à partir de nids de frelons asiatiques ou d’une horloge intégrée dans une boîte de fromage saint-nectaire, l’ingéniosité et le talent sont étonnants.
Chaque post partagé attire des félicitations, des encouragements, ainsi que des éloges pour la créativité. Cependant, il y a aussi ces personnes qui expriment des doutes sur le résultat, qui auraient fait les choses différemment, qui prétendent avoir déjà fait mieux, ou qui affirment même préférer l’objet dans son état original.
Ces personnes peuvent facilement être reconnues. Elles semblent ne pas avoir beaucoup de temps pour le bricolage, vu le temps qu’elles consacrent à donner des conseils non sollicités aux créateurs sur la façon dont ils auraient pu améliorer leur travail. Elles rappellent à la personne qui a fabriqué un objet qu’elle n’a pas respecté certaines contraintes, par exemple en soulignant qu’un porte-clés devrait être léger. Elles avertissent également des dangers potentiels, comme l’utilisation de palettes traitées avec des produits toxiques, les risques d’incendie posés par les ampoules ou les parasites qui peuvent attaquer le bois.
Inévitablement, ils expriment leur appréciation pour une œuvre, mais pointent toujours les détails manquants: un soutien manquant dans une chaise, une base absente dans une étagère, un ruban qui aurait pu être incorporé à un paquet. Ils n’hésitent jamais à proposer une suggestion pour améliorer la création : pour la lampe assemblée à partir de passoires, on aurait dû opter pour des modèles différents ; un carré péruvien cousu sur un sweatshirt devrait plutôt l’avoir été sur une veste de jean ample. Ils ont toujours une solution : enlever les portes d’une armoire, y ajouter une couche de vernis, changer les tuiles. Il y a même des suspicions selon lesquelles ils voudraient modifier les recettes de Marmiton, en remplaçant le lapin par du poulet, ou les pruneaux par du maroilles, affirmant qu’il est tout aussi délicieux.
Ils prodiguent des conseils de santé à ceux qui partagent des photos de cendriers recyclés, recommandent la consultation d’un dentiste aux personnes qui utilisent des bonbons pour la décoration, et se soucient constamment de l’hygiène. Cependant, l’aspect le plus étonnant est que bien que le groupe se consacre à la création à partir de matériaux recyclés, ils sont consternés lorsque l’intégrité de l’objet initial n’est pas conservée. Par exemple, la transformation d’un appareil photo en lampe leur fait mal car ils sont photographes. Ils se moquent aussi souvent de l’usage abusif de vieux livres en le percevant comme une manque de respect envers la culture (« Quelle tragédie pour un livre! »).
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