Il existe un loisir quelque peu insolite pratiqué par un groupe de bénévoles : recenser les individus les plus âgés en France. Grâce à leur site web collaboratif « Les grands centenaires français », ils maintiennent à jour une liste de supercentenaires français – un cercle exclusif d’environ trente personnes qui ont dépassé l’âge de 110 ans. En haut de leur liste, établie dans un tableau Excel, se trouve Marie-Rose Tessier, qui est née le 21 mai 1910 et vit aux Sables-d’Olonne, Vendée, âgée de 114 ans. À l’autre extrémité de la liste, en 36e position, se trouve Hélène Malfuson de Marseille, qui est née le 29 mai 1914. Il n’y a qu’un seul homme sur cette liste, Maurice Le Coutour, qui a célébré son 110e anniversaire le 12 mai à Barfleur, en Normandie.
Ce petit groupe d’aficionados de statistiques et de généalogie a minutieusement identifié ces 36 anomalies par rapport à l’espérance de vie moyenne. Qu’ils soient étudiants, employés ou retraités, ils sont dispersés à travers le pays et communiquent entre eux sans se rencontrer souvent. Ils recherchent ces supercentenaires avec beaucoup de détermination. Leur travail est inestimable, car aucune instance officielle ne fait cette recherche.
Assurément, l’Insee construit des prévisions démographiques à partir de données d’échantillons, mais « la probabilité d’erreurs est grande pour une tranche d’âge si petite », explique France Meslé, directrice de recherches à l’Institut national d’études démographiques (INED). Ainsi, l’initiative citoyenne de détection de cette tranche d’âge est vue positivement. « Il n’existe pas de registre de population en France », ajoute le démographe et épidémiologiste Jean-Marie Robine, qui est aussi expert en longévité. Avec le calcul des personnes âgées de plus de 100 ans, ces passionnés apportent une contribution à la science. « Nous reconnaissons absolument leur travail ».
Les chasseurs de « super-centenaires » s’impliquent également dans les séminaires internationaux de l’INED consacrés aux personnes extrêmement âgées. Ils ont contribué à la dernière recherche de l’Institut, publiée en mai, sur la vie après 105 ans. Avec la collaboration des scientifiques, ils ont mis au point un processus de vérification d’âge nécessitant la collecte d’un acte de naissance officiel, d’une preuve de milieu de vie et d’une preuve récente d’existence. « Cela devient souvent complexe avec les mairies corses, par exemple, qui ne répondent pas. On a l’impression qu’ils estiment qu’on leur vole leur histoire lorsqu’on demande un document administratif. Je dois parfois faire appel à un médiateur de justice », déplore Laurent Toussaint, ingénieur informatique de 57 ans.
Cette personne de Bordeaux a une passion pour l’actualisation, chaque semaine pendant une demi-journée, des données sur les doyens. Depuis toujours, il est obsédé par les statistiques et le sport. Il a commencé par recueillir des statistiques de football, de tennis et de rugby. Sa passion pour l’histoire lui a permis de rencontrer des vétérans de la première guerre mondiale, certains ayant vécu plus de 110 ans. C’est grâce aux articles de journaux locaux qui rapportaient ces anniversaires extraordinaires, qu’il a commencé à réaliser un tableau des personnes âgées de plus de 110 ans, tout seul. Il s’est rendu compte que ce sujet suscitait l’intérêt de nombreuses personnes, y compris les chercheurs, les familles des centenaires et le grand public. C’est ce qui a finalement donné naissance à l’idée d’un site Web collaboratif. Arnaud Le Page l’a lancé en 2013 et en est actuellement le coordinateur.
Veuillez noter que la lecture de la suite de cet article est réservée aux abonnés, il reste 51.56% de l’article à lire.