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« Mondes culturels, RN et subventions gaspillées »

Les élus du Rassemblement national (RN) refusent fréquemment de soutenir financièrement les projets cinématographiques, artistiques ou festifs au sein des villes et régions, sous prétexte que le financement attribué ne reflète pas les préférences des citoyens français, surtout les 30 % d’entre eux qui votent pour le RN. Pour faire passer ce message, ils privilégient souvent le terme « argent du contribuable » plutôt que « argent public », jugé trop vague.

Certains critiquent cette approche du RN. Cependant, regardons comment, depuis la création du ministère de la culture il y a 65 ans, le rapport entre le financement d’un lieu ou d’une œuvre et leur succès auprès du public s’est construit. La question n’a pas été souvent soulevée, pas seulement à cause de sa connotation populiste, mais aussi parce que personne ne semble y penser du fait d’un consensus exceptionnel sur la question culturelle qui a régné entre la gauche et la droite pendant de nombreuses années. Ce consensus visait à élargir l’offre culturelle, principalement dans les grandes villes, avec l’espoir que tous les publics seraient réceptifs. Ce mouvement a été initié par Malraux, amplifié par Lang, et poursuivi par d’autres. Le mot clé de cette politique culturelle commune était « excellence », une manière d’exclure le divertissement. Une administration composée d’experts et de commissions veille à son respect, bien plus que les ministres à la durée de fonction limitée.

Cependant, la discussion concernant le public ressurgit généralement en période de crises. Comme actuellement, ou au moment du mouvement des « gilets jaunes », un groupe qui se situe en dehors du consensus gauche-droite, en dehors des villes, et en dehors de la culture financée par l’État. Un groupe qui représente une partie non négligeable des électeurs du RN.

L’assaut culturel du parti d’extrême droite se déploie sur plusieurs axes, le premier étant géographique – le plus significatif. Les résidents des métropoles bénéficient d’une offre culturelle largement supérieure comparé à d’autres régions, qui sont les fiefs des votants RN. Plus de la moitié des fonds du ministère ne s’étendent pas au-delà de l’Ile-de-France. Chaque année, un Francilien reçoit 139 euros pour les dépenses culturelles, tandis que les résidents du reste du pays reçoivent seulement 15 euros. En 2019, ce sujet a été qualifié de scandale par L’Express.

À partir de 1983, Jack Lang a commencé une tentative de rééquilibrage en créant ou en rénovant plusieurs sites culturels en région, jusqu’à ce que l’ouverture de la Bibliothèque nationale de France à Paris en 1995 déstabilise à nouveau la situation. La résolution de ce problème n’est pas facile et la question n’est pas unique à la France. Au Royaume-Uni par exemple, le Art Council s’efforce de redistribuer les fonds aux régions, ce qui provoque l’indignation des Londoniens passionnés de culture.

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