L’avenir de l’Europe spatiale est mis à l’épreuve. L’Agence européenne des satellites météorologiques (Eumetsat) a pris une décision surprenante – moins de quinze jours avant le vol inaugural d’Ariane-6, prévu pour le 9 juillet, elle a choisit de ne plus utiliser ce nouveau lanceur pour positionner son satellite Meteosat MTG-S1 en orbite. Le comité exécutif a plutôt instruit le conseil d’administration, constitué des représentants de trente états membres, de privilégier la fusée Falcon-9 de SpaceX, l’entreprise d’Elon Musk, pour cette mission. Par conséquent, le contrat qui a été signé avec Arianespace quatre ans auparavant a été rompu.
Deux aspects de cette décision sont particulièrement surprenants. Premièrement, son impromptuité: le satellite n’était pas censé être inclus dans le premier vol d’Ariane-6, mais plutôt dans le troisième, prévu pour début 2025, soit dans six mois. Un lanceur spécialement conçu pour ce but était déjà en cours de fabrication, et rien ne semblait suggérer qu’un tel changement de plan était prévu.
Deuxièmement, prendre une telle décision juste avant le premier lancement envoie un signe de suspicion envers cette nouvelle fusée. L’impact est d’autant plus grand car c’est une décision prise par une entité européenne. Cela démontre une absence de préférence pour les options européennes.
Il y a un certain nombre de questions sans réponse. Est-ce que le contrat a été annulé parce que Space X a offert une date de lancement plus tôt que celle prévue par Arianespace ? Y a-t-il eu des pressions de la part du géant américain ? Ou l’annulation est-elle due à une crainte d’échec du vol de qualification d’Ariane-6 dans les prochains jours, ce qui pourrait retarder le programme de lancements suivants ? Pour l’instant, aucune de ces questions ne a une réponse, car Eumetsat, basé à Darmstadt (Hesse), n’a pas répondu à nos demandes. Arianespace, de son côté, s’est abstenu de tout commentaire jeudi dernier.
Néanmoins, ce choix par cette organisation, qui surveille la météo et le climat depuis l’espace, jette un froid sur les commentaires positifs exprimés le 13 juin par Stéphane Isräel lors du Paris Air Forum. Le PDG d’Arianespace avait souligné la confiance des clients malgré un retard de quatre ans et les problèmes rencontrés lors de la fabrication d’Ariane-6. « La bonne nouvelle est que nous avons trente missions à accomplir, un record pour un véhicule de lancement qui n’a pas encore volé », disait-il.
En conclusion, ce choix d’un lanceur américain par une institution européenne, ce qui n’est pas une première, remet sur la table le débat sur la préférence européenne en ce qui concerne l’espace. Ce qui est obligatoire aux États-Unis devrait l’être également en Europe, où les régulations dans ce domaine ne sont pas assez rigoureuses.
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